La déshérence de la défense

Et M. Massé témoigne aujourd’hui d’avoir perçu l’audience se déliter et d’avoir eu cette affreuse impression que sa défense désertait le procès renvoyé. Au sens propre cette impression lui a traversé l’esprit de ne plus avoir de défense, qu’elle ne rétorquait à aucun des arguments présentés par l’accusation. Ses avocats n’ont eu de cesse de le rassurer certes : martelant qu’il découvrirait toute leur argumentation lors de la plaidoirie – tandis que les manques de la défense ne se rattrapent jamais au cours d’une plaidoirie –.

Hélas la plaidoirie contiendra la plus grande des maladresses. En effet il n’a pas été évoqué lors de cette session que M. Massé avait mis au point un projet de « cartouches-cadenas » pour empêcher l’utilisation intempestive des armes à feu. Son conseil invoque improprement des « cartouches explosives » sans préciser de quoi il s’agit véritablement, laissant supposer aux jurés que M. Massé est spécialiste des explosifs.

Par ailleurs la question du faux témoignage est masquée aux jurés, on ne fait pas répéter au témoin André Terrier qu’il est le seul selon ses dires à pouvoir confectionner un colis piégé avec l’accusé. L’expert commis par M. Massé qui a démontré dans un rapport que l’écriture qui figure sur le colis n’est pas la sienne est vouée aux gémonies par la partie civile aux fins de l’empêcher de déposer : ni le président, ni les avocats de la défense ne s’interposent.

 

Le président profite de même de la déshérence de la défense et réussit à glisser une comparaison entre les planches qu’on a trouvées au domicile de l’accusé et celles du colis alors que les expertises ont démontré qu’elles n’ont rien à voir, mais M. Massé est paralysé par l’intimation de ses défenseurs de ne pas répliquer. Eux-mêmes semblent tout autant tétanisés.

 

Et c’est dans ces conditions qu’il est condamné à 25 ans de prison.

 

Le Président commentera le verdict qui condamne M. Massé pour Stéphane Durand-Soufflant qui le retranscrit en 2011 dans un livre consacré à l’affaire Jacques Viguier :

« En tous cas, la seule accusation qui met Jacques Richiardi en rogne, c’est celle qui consiste à le présenter comme répressif. Il croit savoir d’où lui vient cette réputation : de l’issue d’un procès qu’il présidait et où, pour la première fois, un accusé qui avait été acquitté et se trouvait jugé à nouveau sur appel du parquet, a été condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle. Le président n’en aurait pas dormi pendant plusieurs nuits. Il ne dit jamais aux jurés, précise-t-il, ce qu’il inscrit sur le bulletin secret qu’il glisse dans l’urne avec les leurs… »

La dernière phrase recèle un pléonasme tant empli de sous-entendus que nous nous abstiendrons de le commenter, supposant une mauvaise retranscription des propos.

Nous avons souhaité retracer ce tableau pour que vous puissiez vous rendre compte par vous-même qu’il peut survenir des procès criminels où la vérité des faits est biaisée, faussée par une présentation partielle à quoi s’ajoutent nombre de curiosités procédurales exorbitantes de tout droit, rappelant comme le souligne Henri Leclerc que la procédure est orale et se détache du dossier écrit qui la constitue – lui-même construit de façon partiale et incomplète, comme le signale le président des assises lui-même.

M. Massé n’obtient pas non plus cassation puisque ses avocats – décidément – ne veillent pas à ce qu’il puisse présenter un mémoire dans les délais impartis. Ils semblent ne pas savoir non plus que le motif de rejet de la cassation – le fait que l’accusé aurait dû demander la récusation du Président avant le délibéré et ne peut plus s’en prévaloir après – ne résisterait pas devant la Cour européenne des Droits de l’Homme qui juge naturellement depuis l’arrêt Remli c/France  notamment que les droits fondamentaux touchant à l’impartialité du tribunal doivent s’appliquer, même lorsqu’un accusé méconnaît les voies procédurales pour demander l’application de la loi, et moins encore que la carence d’une motivation de l’arrêt d’assises dans de telles circonstances est une atteinte caractérisée à l’article 6-1 de la Convention.

 

Lorsqu’il ne restera plus à sa disposition que la procédure de révision des condamnations pénales, la question qui se posera est celle de la vision parcellaire de la vérité que propose l’accusation au regard des faits et des circonstances. Le doute sur la culpabilité de M. Massé proviendra du fait que l’on peut concevoir – en s’appuyant sur des éléments factuels inconnus des jurés – un autre mobile, un autre déroulement.

Ce que les gendarmes avaient proposé en vain le premier jour suivant le drame.

 

 

 

La constitution du Comité de soutien.

 

Yannick, fils de Daniel Massé a pris la décision de mettre sa vie entre parenthèses pour venir en aide à son père, corps et âme, après l’échec du pourvoi en cassation.

Il prend l’initiative de créer un site internet sur lequel il dépose un certain nombre de témoignages. C’est dans ces conditions que Roland Agret lui propose son aide. Mais celle-ci n’est pas gratuite, car M. Agret demande une dizaine de milliers d’euros pour constituer un comité de soutien et engager un enquêteur. Ces dépenses sont à nul doute justifiées, cependant ni M. Massé, ni son fils n’ont le moindre argent.

C’est ensuite M. D, ancien président du Comité de soutien à M. Jean-Marc Deperrois qui contacte Yannick Massé au cours du deuxième trimestre de 2006 après avoir parcouru le site internet. Son attention a été mise en éveil par le fait que l’avocat général qui a officié dans les deux affaires est le même.

Il entend bien, lors de longues conversations téléphoniques, ce que M. Yannick Massé lui explique du fait qu’il détient de multiples éléments qui lui permettent de conclure que son père est étranger au crime pour lequel il a été condamné.

 

Cependant, il lui signale qu’il ne peut se faire une opinion qu’à la condition de pouvoir accéder au dossier complet comme il a pu le faire pour ce qui concerne M. Deperrois notamment. Il lui indique qu’il souhaite avant toute chose lire l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises afin de connaître précisément les charges d’accusation et s’adjoindre plusieurs autres personnes de ses connaissances qui ont travaillé avec lui sur un autre dossier.

Il n’est pas question pour nous de demander quelque argent que ce soit. Il s’agit dans notre esprit de tenter de préserver ce qui demeure des principes républicains, l’action que nous viendrons à projeter de conduire représentant un engagement désintéressé.

 

Ainsi, après avoir constaté qu’il existe bien un certain nombre de manquements – et notamment la partialité de fait du Président – qui entachent gravement la procédure et que l’accusation portée par l’arrêt de renvoi n’est pas véritablement étayée et surtout recèle nombre d’incohérences, nous allons mettre nos connaissances à la disposition de M. Yannick Massé aux fins de créer une association et lui donner des statuts puis engager avec lui une relecture attentive de l’ensemble de la procédure.

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