Pour reconstituer précisément la trame du témoignage de Mme Mattéi, il fallait user de plusieurs sources  puisqu’il ne subsistait rien des dépositions qu’elle avait faites au commissariat Saint-Just, ni même le procès verbal de la plainte qu’elle avait déposée dont les enquêteurs affirmaient qu’il n’avait jamais existé.

(Nous apprendrons bientôt que les archives de la police marseillaise ne sont en vérité pas tenues avec la rigueur nécessaire à la conduite d’une enquête pour laquelle un accusé risque la peine de mort…)


En s’appuyant sur le contenu de la lettre que Madame Mattéi avait fait parvenir à Maître Le Forsonney :

« Je vous écris cette lettre pour vous mettre au courant de certains faits relatifs de Christian Ranucci.

Quelques jours avant l’arrestation de ce monsieur, ma fille Agnès, âgée  à l’époque de 13 ans et sa camarade Carole 12 ans, ont été interpellées près de notre domicile par un monsieur d’une trentaine d’années, cheveux abondants bruns, visage rond, grand, robuste, avec un accent prononcé, roulant les « r ».

J’ai vu ce monsieur.

Il a demandé aux deux fillettes de bien vouloir l’accompagner pour chercher son chien, un caniche noir.

Le surlendemain, le même homme essayait d’enlever un petit garçon de 8 ans au moment où les enfants rentraient à l’école (c’est-à-dire neuf heures moins dix).

Le monsieur était vêtu d’un pantalon sombre et d’un pull-over col ras rouge. Il était dans une voiture Simca grise métallisée grise quatre portes. Sur le siège arrière, il y avait des jouets d’enfants, des animaux en peluche, sceaux et pelles bleus.

D’autre part, le lendemain où je relate ces faits, revenant voir s’il osait revenir, je me suis dirigé vers le pré. Hors il y avait la voiture. Me voyant arriver, il m’a demandé si je n’avais pas rencontré une petite fille. C’est là que j’ai pu me rendre compte de son accent.

Malheureusement je n’ai vu  que la dernière lettre  de son immatriculation 54  et la dernière  lettre minéralogique 8.

J’ai fait ma déposition au Commissaire Marsan à Saint-Just et à l’Évêché.

Lors de la confrontation, j’ai parlé avec M. Martel et à ses deux fillettes qui ont subi des gestes de la part de ce monsieur, le signalement et la voiture correspondaient au même signalement que le monsieur et celle de mes filles. »

 

 

En recollant ce que Christian Ranucci avait retranscrit dans son récit récapitulatif :

« Elle conta à ma mère ces faits extraordinaires : (Pour des raisons de clarification, je vais rapporter en une seule fois tous ces faits; mais ma mère ne put prendre connaissance du tout qu’après avoir revu ultérieurement Mme Mattéi.) 
Le premier eut lieu quatre jours avant le rapt et le meurtre de Maria-Dolorès Rambla. 
« Le vendredi 31 mai 1974, l’une de mes filles Agnès, qui a 12 ans, jouait en bas de l’immeuble de notre cité avec son amie Carole Barraco, 13 ans, lorsqu’un homme s’approcha de ma fille et son amie. Il leur expliqua qu’il venait de perdre son petit chien noir et demanda si elles voulaient bien l’aider à le chercher avec lui et proposa de monter dans sa voiture. Ma fille et son amie ont refusé. L’homme insista. Elles refusèrent toujours. C’est à ce moment qu’en me penchant par la fenêtre de ma cuisine, je suis au premier étage, j’ai vu la scène, c’est-à-dire l’homme qui parlait aux deux fillettes. » 

« Il était habillé d’un pull-over rouge vif, d’un pantalon sombre, il avait les cheveux noirs et plutôt courts, il devait avoir dans les 35 ans. Sa voiture était une Simca 1100 grise à quatre portes. Je l’ai vu remonter dans sa voiture et repartir. Je n’ai pas pu relever le numéro en entier, mais j’ai vu que son numéro finissait par un 8, et avec le 54 pour la région. J’ai pu voir aussi qu’il y avait des jouets posés sur la lunette arrière de la Simca (poupées, seau en plastique, ballons d’enfant et d’autres articles du même genre). J’appelai ma fille, et elle me raconta comment elle et son amie venaient d’être abordées par cet individu. Si nous le revoyions, ma fille, son amie ou moi-même, nous le reconnaîtrions. » 
« Le lendemain, le samedi 1er juin 1974, je l’ai revu. J’étais en train d’attendre ma fille à la sortie de son école. Il s’est approché de moi et m’a demandé si je n’avais pas vu une petite fille de cette taille à peu près (il m’a montré avec la main la hauteur d’une fillette d’une huitaine d’années). Je l’ai reconnu tout de suite. J’en suis restée clouée sur place. Il a dû voir que je le reconnaissais car il s’est immédiatement éloigné sans attendre de réponse. Il était encore habillé avec ce pull-over rouge vif – col ras du cou et boutons qui fermaient sur l’épaule. Il s’était éloigné justement en direction du raccourci qui mène vers la rue d’Albe où fut enlevée Maria Rambla. »

« Aux Tilleuls, le maniaque au pull-over rouge avait essayé d’enlever l’ami du frère de Carole Barraco, qui est la copine de ma fille Agnès. Cet homme avait abordé le petit Alain Barraco (6 ans) en lui disant de faire venir un garçonnet de 8 ans, ami d’Alain, et qui jouait plus loin, il dit à Alain : « Va le chercher, je veux lui parler. » Quand le garçonnet arriva, l’homme au pull rouge ressortit encore une fois son histoire de petit chien noir mais le garçonnet n’a pas voulu venir. L’homme le tira soudain par le bras pour le mettre dans sa Simca. Heureusement le garçonnet réussit à s’enfuir. L’homme au pull rouge partit aussitôt. » « 

 

 

les bribes confuses qui figuraient sur les dépositions transcrites par le substitut Brugère :

« Deux jours avant le crime , ma fille Agnès, âgée de 12 ans et sa camarade Carole, 11 ans, avaient été victimes d’agissements de la part d’un individu qui avait cherché à les entraîner en leur disant de monter dans sa voiture pour rechercher un chien  Bien sûr, elles ne l’ont pas suivi.
La voiture était une Simca grise métallisée. Elles me l’ont dit.
Le lendemain, toujours dans mon quartier de Saint-Jérôme (13ème), un individu a essayé de faire monter un enfant, un garçon, âgé de 5 à 6 ans, dans sa voiture. Le numéro de la voiture se terminait par 8../54.
Je lui ai parlé. Il m’a dit « qu’il s’arrêtait ».
Je remarquais qu’il avait un accent méridional. La voiture était une voiture Simca grise, normale 4 portes gris métallisée.
J’ai déclaré ces faits au commissariat de police de Saint-Just et ensuite à l’Évêché au commissaire Alessandra. Ma déclaration a été enregistrée car j’ai signé.
Dans les locaux du commissariat j’ai été confrontée avec Ranucci Christian ainsi qu’Agnès et Carole. (…)

L’homme que j’avais vu en train d’essayer d’attirer le petit garçon correspondait au signalement suivant:
taille moyenne d’un mètre 68 environ, corpulence moyenne, cheveux bruns, mi-longs ondulés, coiffés en arrière.
Je n’ai pas remarqué de lunettes.
Il avait un pantalon vert foncé et un pull over ras du cou rouge. »

 

 

ou celles transcrites par l’inspecteur Porte :

« Je lui ai dit que lors de l’arrestation de ce dernier je m’étais rendue dans les locaux de l’hôtel de police, à votre service même avec ma fillette et sa compagne. Toutes deux avaient été victimes des agissements d’un sadique et j’avais déposé plainte au commissariat de Saint-Just, le 3 ou le 4 juin 1974.
Ma fillette, âgée alors de 13 ans, se trouvait à Saint-Jérôme, dans un champ après la rue des Polytres.
Il était quinze heures environ.
Elle était en compagnie d’une camarade Carole Barraco, âgée de 12 ans.
Un individu les avait abordées en leur disant:
 »
J’ai perdu un chien noir depuis ce matin, aidez moi à le chercher. »
J’ai pensé lorsque ma fille m’a rapporté ces propos que cet individu était un satyre.
Je dois vous dire que moi-même, j’avais vu quelques jours avant un individu qui avait essayé d’enlever de force un petit garçon, dans ma cité.
Je l’avais vu de ma fenêtre.
Or, ma fillette lorsque l’individu l’a abordée, avait un pull-over rouge-bordeaux, à ras le cou. L’individu que j’avais vu correspondait au même signalement et était vêtu pareillement.
Cet individu était reparti lorsque je l’ai vu à bord d’une voiture Simca 100 de couleur gris métallisée dont le dernier numéro de la plaque minéralogique se terminait par 8 et le département était : 54.
J’ai déposé plainte au commissariat de Saint-Just, je suis formelle à ce sujet.
Un fonctionnaire a tapé à la machine à écrire et j’ai signé ma déposition sur un procès verbal semblable à celui sur lequel vous enregistrez ma déclaration aujourd’hui.
Ce matin, je me suis présentée au Commissariat de Saint-Just, sur convocation, et le fonctionnaire qui m’a reçue, après recherches, m’a affirmé qu’il n’y avait aucune trace de ma plainte.
Je me permets de faire remarquer que si je n’avais pas déposé plainte, un planton du commissariat de Saint-Just ne serait pas venu comme cela a été le cas, à mon domicile en juin 1974, pour que le dénommé Ranucci Christian soit présenté à ma fille, à sa camarade et à moi-même.
Je suis venue à votre service , je ne me souviens pas de vous avoir vu vous même. Il y avait beaucoup de monde.
Le dénommé Ranucci m’a été présenté parmi plusieurs jeunes hommes. L’individu qui avait abordé ma fillette n’y était pas. Du fait que ma fillette, sa camarade et moi même n’avions pas reconnu l’individu qui avait agi à Saint Jérôme, je n’ai pas été entendue par procès verbal à votre service. »

 

 

enfin ce que rapportaient Gilles Perrault  et Mme Mathon de leur conversation avec la dame des Tilleuls, l’on parvenait à décliner dans le bon ordre ce qui s’était alors produit.

L’homme au pull rouge était apparu trois fois aux abords de la Cité des Tilleuls.

Les deux jeunes filles fréquentent le collège et leur emploi du temps ménage le vendredi après-midi, à moins qu’il ne se soit agi d’un professeur absent comme il peut se produire. Il apparaît au contraire que les deux garçonnets étaient en classe le vendredi après-midi.

Cependant le substitut Brugère mêle deux épisodes car on ne peut concevoir que l’homme se soit enfui et dans le même temps ait annoncé à Mme Mattéi « qu’il s’arrêtait » tandis que  le récapitulatif que rédige Christian Ranucci agrège deux épisodes et mêle l’agression que subissent les deux fillettes le vendredi 31 vers 15 heures, avec celle des deux garçonnets qui se produit – non pas le surlendemain comme l’indique par erreur Mme Mattéi, car il s’agit du dimanche – mais plus simplement le lendemain matin.

Il faut en conclure que la mémoire de Christian Ranucci n’est pas bien fidèle lorsqu’il situe l’épisode de la tentative que cet homme porte sur l’enfant frisé le samedi après-midi. Il se déroulait le samedi matin avant l’entrée à l’école, comme Mme Mattéi le précise, à neuf heures moins dix.

L’homme au pull rouge s’est montré une première fois le vendredi 31 mai 2011, vers quinze heures.

 

 

Au plus profond de la Cité des Tilleuls, située près du Quartier de La Pomme, un bâtiment longe une impasse bordée par un parking dont il subsiste aujourd’hui une esplanade goudronnée, fermée par un grillage, tandis qu’au-delà s’étend une sorte de pelouse où les enfants s’ébattent. L’on doit imaginer que le grillage n’existait pas à l’époque et que l’on pouvait rejoindre depuis cet endroit le chemin du Merlan.

Le vendredi 31 mai, Agnès Mattéi et Carole Baracco n’avaient pas classe et jouaient cet après-midi à cet endroit lorsqu’un homme est venu à leur rencontre les aborder et parler d’un gentil caniche noir qu’il prétendait avait perdu : «C’est ennuyeux, je l’ai perdu depuis ce matin. Mon neveu est venu le promener par ici et il a lâché la laisse. Vous ne voulez pas monter avec moi, qu’on essaie de le retrouver ?»

Les deux fillettes ont fermement et poliment refusé. Après avoir insisté, il s’est éloigné, tandis qu’Agnès Mattéi notait qu’il conduisait une Simca 1100 grise.

Il est réapparu, et ce ne pouvait être que le lendemain matin, samedi 1er juin, lors de l’entrée en classe, cet homme que Mme Mattéi a vu depuis la fenêtre de sa salle de bain tandis qu’elle étendait du linge, par delà la haie de lauriers roses qui borde l’immeuble.

Alain Baracco, le petit frère de Carole, âgé de six ans jouait au ballon avec un autre enfant aux cheveux frisés. L’homme avait garé la voiture qu’il conduisait sous la fenêtre et Mme Mattéi a pu noter une partie du numéro minéralogique de la Simca 1100 grise qui se terminait par le chiffre 8 et le département 54, Meurthe-et-Moselle. Sur la plage arrière se trouvait des peluches, un seau bleu avec des pelles, un ballon, des chapeaux de paille, comme si la voiture se destinait à emmener des enfants au bord de la mer.

 

L’homme, vêtu d’un pull rouge et d’un pantalon vert foncé, aborde l’enfant frisé puis tente de le faire monter dans sa voiture et de l’enlever. L’enfant se débat et s’enfuit en criant, provoquant l’éloignement précipité du ravisseur…

 

 

 

 

 

 

Il apparaît alors que Mme Mattéi a croisé l’homme au pull rouge une troisième fois, le dimanche le lendemain.

Alors qu’elle s’approche de lui, il se met à lui parler pour lui demander où se trouve une petite fille qu’il aurait perdu, en désignant la taille d’un enfant de huit ans et ajouter drôlement : « qu’il arrêtait« . C’est ainsi qu’elle note qu’il parlait avec l’accent du midi, en roulant les r.

L’homme reconnaissait donc qu’il se trouvait sous l’emprise de pulsions infuses qui le pressaient de s’attaquer à de jeunes enfants, filles ou garçons. Il portait l’inconscience, l’abjection et l’effronterie assez loin au point de soutenir le regard des témoins de ses agressions et tenter une scintillante auto-justification.

Le substitut Brugère en mêlant les deux épisodes leur conférait l’aspect d’une brume incohérente et laissait à concevoir que cet homme avait parlé à Mme Mattéi lors de l’agression du garçonnet, alors qu’il n’en était rien en vérité. Elle passait sous silence – et ce ne pouvait être qu’intentionnellement, afin qu’on ne puisse plus rien y comprendre – le troisième épisode en escamotant le fait que Mme Mattéi s’était rendue dans le pré le lendemain et qu’elle l’avait croisé, en quoi se justifiait qu’elle avait l’entière capacité de reconnaître le ravisseur et même apprécier sa taille avec précision. Il se trouvait à quelques centimètres d’elle, comme il en fut pour M. Martel.

Le procès-verbal de l’inspecteur Jules Porte était si mal conçu que l’on pouvait en déduire que l’épisode de la tentative d’enlèvement du petit garçon s’était déroulé avant celui des fillettes, tandis que l’inspecteur évoquait sans le dire, l’instant où celles-ci avaient osé en parler à leur mère, le 4 juin précisément.

L’homme n’avait nullement pour conscience « d’arrêter » le dimanche 2 juin, il s’apprêtait au contraire à recommencer. Il rôdait.

 

 

 

 

Comme il rôdait la veille, aux Tilleuls, mais à cet instant, il ne s’agissait plus de procéder au rapt d’un enfant, mais d’assouvir sur les lieux mêmes la pulsion de son désir froid irrésistible.

L’agression s’était déroulée au détour d’un escalier étroit de ciment qui conduisait d’une sorte de terre-plein goudronné jusqu’à la terrasse de la cité.

Et ce qui semblait remarquable, plus encore que la justesse des récits rapportés par les témoins et leur coïncidence parfaite avec les lieux,

 

 

 

 

 

comme il était véritable qu’il se trouvait une haie de laurier et qu’elle avait pu masquer une partie de la plaque d’immatriculation, et qu’il se trouvait l’escalier comme le décrivait M. Martel, était la similitude des circonstances de chacune de ses tentatives.

L’homme au demeurant usait d’une même science opératoire. Il veillait à se poster dans un coin, en retrait, s’assurant qu’il lui serait possible de s’échapper aussi rapidement qu’il fût possible. Les cités qu’il choisissait pour ses forfaits se ressemblaient même, avec leurs garages en contrebas, les immeubles isolés, séparés d’aires de jeu.

 

 

 

 

 

Il connaissait les lieux à nul doute et s’était préparé au moindre incident par lequel on découvrait qu’il était mû par la crainte et qu’autrefois, il s’était probablement trouvé un témoin ou bien une victime pour le menacer de représailles.

 

 

 

Il usait du même stratagème dès lors qu’il présageait d’aborder un enfant et le conduire au prétexte de rechercher un chien noir prétendument égaré, à monter dans sa voiture.

Un coin de cité, un chien noir, une agression sexuelle, et cette précaution à chaque fois de ménager à sa voiture – il était remarquable que chacun des témoins l’ayant aperçu évoquait de lui-même une simca 1100 grise – la possibilité de s’évanouir si, par mégarde, il se trouvait pris à partie. À simplement examiner la typologie de chacun des trois lieux – Cité Sainte-Agnès – Résidence des Tilleuls – Résidence des Cerisiers – il en surgissait une coïncidence parfaite des faits et des signalements. L’homme à chaque fois arborait un pull rouge, demandant de l’aide, sans la moindre once de compassion ou d’empathie, tourné tout entier vers la frénésie du fantasme qui  le ronge et le détruit.

 

 

 

« Ce commissaire chargé de l’enquête avait eu la chance rare de posséder, dès que l’enquête sur le rapt lui fut confiée, le signalement complet du ravisseur, vu par deux témoins du rapt, puis ceux qui avaient vu cet individu quelques jours avant. De plus, grâce au témoignage de Mme Mattéi, il possédait déjà une partie du numéro d’immatriculation de la voiture du ravisseur ! 
Il eût été si simple, grâce à l’ordinateur, de connaître, en quelques minutes, le nom, l’adresse et tous les renseignements désirables sur le ravisseur de Maria-Dolorès Rambla. 
Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ? »

Christian Ranucci, Récapitulatif, mai 1976

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 46 – Christian Ranucci

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11 réflexions sur “45 Cet homme, toujours le même, que désignaient six témoins…

  1. Remarquable reconstitution, un chef d’oeuvre de précision, plausible de surcroît.
    Je suis passionné par cette histoire, bien que j’étais un jeune enfant quand elle s’est déroulée.
    J’ai hâte de lire le chapitre suivant.
    Un IMMENSE bravo.

  2. Un détail m’a intrigué lors de la lecture du « Pull over rouge » de Gilles PERRAULT : le 05 juin 1974, lorsque Mme MATHON montre le coupé Peugeot au journaliste de Nice-matin LEONETTI, ce dernier note la présence sur la banquette arrière d’un paquet de biscuits (il n’est pas mentionné que Mme MATHON l’a remarqué);
    ce même soir, lorsque les policiers fouillent le véhicule en présence de Christian RANUCCI, le paquet de biscuits ne figure pas dans la liste des objets saisis, ce qui semble déjà curieux.
    Le surlendemain, le 07 juin, lorsque le véhicule est restitué à Mme MATHON, cette dernière découvre le paquet de biscuits (il est passé de la banquette arrière au coffre), et là elle certifie aux personnes présentes qu’il n’est pas à Christian, que ce dernier est incommodé par l’odeur de cuisson de ces biscuits (avec probablement le même ton catégorique que pour le pull-over rouge); on est tenté de la croire, car elle doit connaître les goûts alimentaires de son fils.
    Qui a acheté le paquet de biscuits ?
    Où ?
    Quand ?
    Si je ne me trompe, Christian a utilisé son véhicule les 04 et 05 juin, pour se rendre à son travail notamment (je cite G. PERRAULT, qui parle de l’accident du 05 juin avec le véhicule de service conduit par le collègue IVARS : « ils rentrent ensemble au dépôt, où est garé le coupé Peugeot. »)
    Il a pu être acheté postérieurement aux événements du 03 juin, par Christian lui-même par exemple le 04 ou le 05 juin, ou par un collègue ou une connaissance qui serait monté dans la voiture (une investigation aurait dû être effectuée par la police afin de déterminer les kilomètres parcourus par le coupé Peugeot ces 2 jours, le véhicule a dû être vu roulant dans Nice avec une portière enfoncée, cela a dû susciter des commentaires) ; dans ce cas, la piste du paquet de biscuits s’arrête là.

    Imaginons maintenant que c’est l’homme à la Simca 1100 qui a effectué l’achat des gâteaux, et qui a poussé le machiavélisme jusqu’à poser le paquet de biscuits sur la banquette du coupé Peugeot (je reconnais que ce scenario impose que le ravisseur a effectué le trajet chemin de la Doria / lieu du crime avec un paquet de gâteaux à la main, ce qui semble fantaisiste, mais je ne suis pas le premier à parler d’un « paquet », alors qu’il soit de biscuits ou volumineux…je plaisante); précisons que le paquet n’était pas entamé.

    1ère hypothèse : il l’a acheté avant l’enlèvement (pour rendre l’habitacle de la Simca « convivial », par exemple), on peut supposer qu’il l’aurait ouvert pour proposer un biscuit à la petite (pour endormir sa méfiance).
    2ème hypothèse : il l’a acheté entre l’enlèvement et le crime, et dans ce cas, il s’est arrêté quelque part pour l’acheter. Il aurait donc été intéressant de découvrir si, sur le trajet supposé du ravisseur, il existait une épicerie, une boutique vendant cet article où se serait arrêté l’inconnu.
    Il est vrai que dès le 04 juin au matin, la Sûreté de Marseille (qui recherchait à ce moment-là une Simca 1100, et rien qu’une Simca 1100)) avait déjà lancé un appel au public, demandant à signaler toute personne qui achèterait bonbons, bananes, jouets…
    Mais la Sûreté aurait pu lancer un nouvel appel (le 06 juin par exemple)précisant l’achat d’un paquet de biscuits (de marque BRUN), et peut-être que des gérants de boutique se seraient manifestés.

    Quelle que soit l’origine de ce paquet de biscuits, je trouve regrettable qu’il n’ait pas été saisi, puis soumis à des expertises (sur l’état des gâteaux, par exemple, qui aurait pu fournir un indice sur le temps qu’ils sont restés dans le coupé Peugeot).

    Ce paquet de biscuits n’est pas pour moi un détail, il est malheureusement un exemple supplémentaire de la négligence manifestée dans cette affaire.

    1. Je comptais aborder cela dans le chapitre suivant, mais ce rappel est excessivement utile car je ne sais pas si je ne l’aurais pas oublié.

      Dans le récapitulatif que Christian Ranucci a fait parvenir directement à l’Élysée (il faut imaginer que le Président Giscard d’Estaing ne l’a pas lu, sinon cela en fait un être abject, ce qui ne saurait s’imaginer), il est écrit notamment ceci :

      « Peut-être s’est-il dit aussi que la police pourrait penser que l’assassin était l’homme qui était évanoui dans la voiture ? Il emmena ma voiture (et moi dedans) dans le tunnel boueux, jeta le pull-over rouge, jeta l’arme. Il prit aussi dans le portefeuille de l’automobiliste de l’argent (il me manquait de l’argent, je m’en suis aperçu de retour chez moi. Mais après ma nuit de veille à Marseille et ce que j’y avais bu, cela ne m’a pas trop choqué.) »

      Que le paquet de biscuit qui gît sur la banquette arrière appartienne à l’homme au pull rouge est une hypothèse hautement probable, Mme Mathon n’avait pas de raison de travestir la vérité lorsqu’elle explique que son fils n’en aurait jamais fait l’acquisition et on ne voit pas vraiment pourquoi les collègues auraient laissé cela dans sa voiture…

      Pour moi cela dénote plusieurs choses qu’il conviendra de développer de façon plus ordonnée.

      Cet homme est suffisamment désaxé pour songer à voler de l’argent après le crime, laisser traîner un paquet de biscuits et l’on peut très bien imaginer qu’il était destiné à amadouer ses proies.

      Visiblement cela n’a eu aucune espèce d’efficacité car le paquet n’était pas entamé. Il agit donc dans l’impréparation, emporté par ses pulsions, et sans doute Marie-Dolorès est sa première victime, ce qui veut dire qu’en recherchant dans l’antériorité, on ne trouvera que des agressions mineures, mais annonciatrices du dérèglement.

      Une autre chose apparaît clairement, le ravisseur tient à une chose par dessus tout : qu’il ne subsiste rien dans la Simca qui ait un quelconque rapport avec ses agissements et même avec lui-même : le corps de l’enfant, il ne peut pas le mettre dans le coffre et l’emporter loin, pas plus le couteau, moins encore le pull et sans doute pas mieux les affaires tachées de sang.

      En conséquence le paquet ne doit pas non plus traîner dans la Simca.

      Or donc il semble qu’on peut en conclure plusieurs choses.

      La première c’est qu’il apparaît bien qu’il a une seule idée en tête: se débarrasser de tout ce qui se rapporte au meurtre. Et s’il conduit la voiture de Christian Ranucci dans le tunnel, il est bien probable qu’il a conçu d’y jeter, au plus profond des galeries le sac et les vêtements maculés de sang.

      Vous vous souvenez de la phrase de l’inspecteur Grivel lorsqu’il parle du pantalon (je l’ai placée dans le chapitre sur le couteau), il dit : « imbibé de sang », pas « taché » mais « imbibé de sang ».

      Je ne serais pas surpris si les policiers révélaient un jour – mais soyons sûrs qu’ils ne le feront jamais, Gérard Bouladou m’ayant confirmé qu’ils ne « parleraient jamais » – qu’ils ont retrouvé le « paquet volumineux » dans le tunnel et qu’il y avait à l’intérieur un pantalon « imbibé de sang ». Ainsi on comprend la logique de l’enchaînement des évènements.

      La second, c’est que la voiture est bien probablement un « emprunt ». Elle ne lui appartient pas.

      Plus tard, lorsqu’il recommencera, on ne retrouvera plus les corps, parce que cette fois il aura songé à ce problème : il faut qu’il prévoie son propre moyen de transport.

      La troisième, c’est que l’on a affaire à un psychopathe suffisamment arrogant qui est capable de se délester de tous ces objets, quasiment au su et au vu de tout un chacun.

      Il n’y a pas de calcul dans ce système, il n’y a qu’une forme de dilettantisme provocateur. Une façon de narguer, comme il nargue Mme Mattéi.

      Il nous nargue, exhibant son pull rouge criard, depuis 35 ans.

    2. et bien malgré que j connais l’affaire depuis 28 ans j m’étais pas rendue compte de ca,j connaissais l’éxistance de cette histoire du paquet de brun et le fait que christian les avait en horreur mais j’avais pas vu les choses comme vous et j crois que vous avez grandement raison,meme si c’est pas maintenant qu on élucidera quoi que ce soit,à mon grand regret mais oui à l’epoque ca aurait du etre fait,mais c’est un detective privé qu il aurait fallut à ‘l’époque…d’ailleurs christian en parle dans son récap mais on en entendra plus jamais parler,c’est incroyable!

  3. À l’époque des faits, j’avais le même âge que Christian Ranucci. Cette affaire m’a profondément marqué comme beaucoup de ma génération d’ailleurs, en particulier ; l’infinie détresse des parents de la jeune victime, le procès et surtout le refus de la grâce présidentielle, quel manque de courage politique !! Dans le sillage des ouvrages « innocentistes » et quitte à répéter, le travail que vous faites aujourd’hui est sidérant d’analyse chirurgicale en profondeur. Vous décortiquez en pointant l’index sur les anomalies du dossier en opposant des hypothèses contradictoires « nouvelles » plus que crédibles, de nature à faire douter les inconditionnels de la culpabilité de CR …merci !

  4. Pour être plus précis, parlez-nous un peu de la recherche de faux témoins rencontrés par madame Mathon, proposant une somme d’argent suffisamment importante pour influencer certains témoins…

    1. Je ne sais plus si je parle ou non de la tentative de Mme Mathon pour faire réouvrir le dossier. Ce serait évoquer la perversité de la police de Marseille dans cette affaire. Mme Mathon était prise au piège pour faire déposer des témoins car ceux-ci étaient aussitôt accusés d’être des protecteurs d’assassins d’enfants, ce qui ne risquait pas de les encourager. Rappelons que Mme Mattéi est agressée violemment lors des audiences d’Aix-en-Provence. Donc il est vrai que la mère de l’un des témoins a certes accepté de signer un courrier mais n’a pas souhaité aller au-delà. Après la mort de son fils, Mme Mathon tente de provoquer la réouverture du dossier afin que l’on recherchât l’homme au pull rouge. Que pensez-vous qu’il arrivât : les policiers ont bloqué bien entendu et pour cela, tentent de décrédibiliser les témoins. Nous sommes en 1977, ces dépositions qui surviennent trois ans après sont incohérentes, mélangent les dates. Elles n’ont aucun intérêt. Alors dans ce fatras, qu’ils aient trouvé quelqu’un pour témoigner que Mme Mathon avait essayé de l’acheter avec 2 000 francs, c’est bien possible, mais cela ne change strictement rien au dossier : cela ne change rien à ce que représente le témoignage de Mme Mattéi. Ce n’est pas Mme Mathon qui est venue voir Mme Mattéi, c’est Mme Mattéi qui est venue à la rencontre de Mme Mathon à la porte de la prison des Baumettes en lui disant : j’ai été déposer à l’Évêché et je n’ai pas reconnu en Christian Ranucci l’homme au pull rouge. Ce que confirme M. Martel. Comment Mme Mathon a-t-elle retrouvé M. Martel ? Tous simplement parce que Mme Mattéi a rencontré M. Martel à l’Évêché. La police trouve ces témoins très crédibles le 5 juin : elle les fait se déplacer pour qu’ils leur parle de l’homme au pull rouge et confondre Christian Ranucci avec cet homme. Et elle décrivent toutes un homme qui porte le pull découvert dans la champignonnière. Donc qu’importe les misérables tentatives de la police pour clore le dossier. On peut les analyser mais c’est pour constater que ces procès-verbaux font de la confusion. Il ne peut rien ressortir de la confusion.

  5. j ai juste une petite réfflexion,au dessus d’une des photos des cités que vous mettez,vous avez inscrit la date du 31 mai 2011 au lieu du 31 mai 1974….c’est juste une erreur mais c’etait pour le signaler,que les gens ne s’embrouillent pas..

  6. Je suis passionné par cette affaire depuis plus de 20 ans et je sais que la justice et la police ont falsifié des preuves et fait disparaître des documents et des témoins pouvant innocenter Ranucci. Je pense que le véritable assassin de la fille faisait partie d’un réseau de pédophile et que la police a voulu le protéger.

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