Il est dit et repris dans toutes les dépêches d’agence que la décision de la Cour de cassation d’annuler le procès d’appel qui condamna Yvan Colonna découlerait d’un « vice de forme ». Cela, c’est la Cour de cassation qui semble le distiller avec envie.

Cependant, l’on oublie de mentionner que la loi autorise curieusement ladite Cour à ne pas examiner l’ensemble des arguments produits par le demandeur, il suffit au juge de dénicher un moyen de cassation pour qu’il puisse s’autoriser à ne pas répondre ni motiver la validité des autres.

Or donc la Cour de cassation pourrait rendre une décision absurde ou ridicule même, personne n’oserait en juger, cependant comme nous l’avons déjà rappelé, elle ne peut se permettre l’inconvenance. Ainsi pour y échapper a-t-elle choisi, comme par malchance, le moyen le plus anodin, le plus petit, celui qui peut faire penser à un « vice de forme » pour ne pas répondre quant à ceux des moyens  qui touchaient au respect des droits de la défense et au respect des droits de l’homme. En réalité, ce n’est pas pour un vice de forme que le procès d’appel a subi les foudres de la Cassation, c’est parce qu’il y a urgence à faire traîner la résolution du dossier le mieux possible, faire échapper la plus haute juridiction à de nouvelles récriminations, puisqu’on ne peut dorénavant plus la saisir sur cette même question, et surtout, ne pas permettre à la Cour européenne de porter une appréciation sur le déroulement des audiences car bien évidemment, le fait que les avocats et Yvan Colonna se soient retirés des débats pour des raisons effectives qui tenaient à la désinvolture vis-à-vis des principes du contradictoire et au fait que la Cour d’assises spécialement composée refusait d’organiser les reconstitutions qu’on lui demandait, encourait ses foudres – ainsi en était-il d’Abdelhamid Hakkar qui avait obtenu en son temps que son procès fût annulé, non pas pour « vice de forme » mais pour violations des droits de l’homme.

 

Il est cependant un fait qui est apparu avec force tout au long de ces procès, les véritables auteurs de l’assassinat du Préfet Érignac n’ont pas été appréhendés, et plane sur ce dossier d’étranges relents qui touchent à la fois le secret d’état et la haute pègre. Le crime s’est commis sous les yeux de quelques témoins, qui ont dévisagé le tireur. L’un de ses témoins est – c’est une chance – croupière dans établissement de jeu, habituée à retenir les physionomies. Cette personne dessine un homme blond, portant une barbe naissante et affirme avec force qu’elle ne reconnaît pas Yvan Colonna, lequel est brun, plus petit de taille, d’une toute autre apparence.

Une institution judiciaire solide en aurait conclu qu’on se fourvoyait et que la piste n’était pas adéquate, mais nous invoquons là un idéal qu’elle ne saurait atteindre aux jours actuels…

 

Ainsi donc, l’enquête devrait reprendre, les personnes arrêtées ne sont visiblement que des comparses qu’on a enrôlés pour effectuer les tâches de sentinelles et de guetteurs, peut-être même de figurants destinés à se poser sur le devant de la scène et dissimuler ainsi quelque coulisse. Et cependant à ces personnes n’a t-on pas tout dit, n’a-t-on nullement précisé qu’on viendrait à s’en prendre à un préfet de la République. Qu’il ne s’agissait nullement d’un attentat, comme il s’en déroule sur l’île, mais d’une exécution froide, réalisée par un professionnel, un tueur d’élite, entraîné au coup de main efficace et glacé.

Ce qui se conçoit, c’est le lien que l’on discerne avec l’assassinat du président Kennedy, où tout fut mis en scène, d’ailleurs de façon par instants maladroite, pour dissimuler la dimension que recouvrait le crime, et combien il pouvait apparaître édifiant que les services secrets d’un pays démocratique eux-mêmes, en viennent à organiser la disparition brutale du plus haut personnage de l’État, si besoin en ayant recours à des éléments tout droit extraits de la mafia.

 

Ce mystérieux homme blond, que personne ne semble reconnaître, agit dans ce système comme la révélation d’une autre facette. Le procès d’Yvan Colonna n’a qu’une fonction, la recouvrir du plus beau linceul pour qu’elle ne puisse plus se discerner, qu’elle en vienne à s’estomper peu à peu.

Voici pourquoi personne ne viendra jamais s’enquérir de ce qu’il en est de cet homme blond, de son identité, de ce qu’il représentait, que l’on n’a jamais interrogé les comparses sur la façon dont ils étaient entrés dans ce complot dont assurément ils ne maîtrisent aucun des rouages. Mais de ce fait, le procès qui se déroule n’a strictement aucun sens puisqu’il n’a pour objet que de détourner l’attention et laisse accroire aux derniers innocents, comme il s’en est agi pour dissimuler le rôle des services secrets dans les attentats algériens de Paris où la politique jouait de chantage lorsque s’installait là-bas la guerre civile, que la cour d’assises antiterroriste a pour mission de faire toute la vérité alors que son rôle n’est bien plutôt que de l’ensevelir.

 

 

 

 

« Marie-Ange Contart se promenait avec sa mère le 6 février 1998 dans la rue d’Ajaccio où le préfet Érignac allait être assassiné. Elle assiste au drame : deux hommes, un brun et un blond, sont en bas de la rue. Le blond est le tireur.

Pendant les dix ans de l’instruction, elle est amenée à témoigner à de nombreuses reprises. Mais son témoignage ne cadre pas avec ce que veulent entendre les policiers. « Ce n’est pas lui« , répond-elle aux policiers qui lui présentent la photo du berger corse.

L’homme était blond. Elle ne reviendra jamais sur sa position, malgré la peur qui s’empare d’elle petit à petit. Elle se sent sur écoute, traquée. La juge d’instruction sait la joindre sur son tout nouveau portable dont elle n’a communiqué le numéro à personne.

À la barre, lors du procès Colonna, elle n’en démord pas : l’homme avait les cheveux blonds cendrés. Pour l’accusation c’est une perruque. Mais elle ajoute aussi qu’elle a vu une barbe de quatre ou cinq jours, toute aussi blonde. Et là, l’accusation n’a pas su répondre.« 

 

 

Chapitre 24
 
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