62 – Christian Ranucci : du doute à la vérité… policière

Pourquoi vouloir jeter tant de cendres sur ce qui reste du corps supplicié de Christian Ranucci ?

Il paraît à quelques années d’intervalles de beaux livres rédigés par d’anciens enquêteurs de police dont l’objet est semblable de l’un à l’autre ; rechercher à raccorder par quelques chevilles les différentes pièces du dossier afin qu’elles semblent former une cohérence habillée d’une parure de vraisemblance et que la responsabilité du guillotiné soit l’objet d’une évidence : Suivez les pointillés, il est coupable vous voyez bien !

L’on ne sait si nombre de gens pourraient se laisser prendre à de telles injonctions, lesquelles ont toujours pour objet de réduire le raisonnement au fil le plus fin, d’écarter ce qui pourrait nuire à la pureté d’une logique éclairée d’une seule conviction. Le livre précédent composé par M. Bouladou fondait le raisonnement sur la prétendue mauvaise foi des contradicteurs, qui se permettent impunément de mettre en cause l’honorabilité des institutions et de ceux qui les servent.

Le dernier ouvrage propose de s’en tenir au dossier, de ne soulever nulle tempête, de défaire la procédure de prétendus mythes qui se seraient agrégés comme autant de pustules sur l’ouvrage de la police et de l’administration judiciaire, pour en troubler la compréhension. L’innocence de Christian Ranucci ne se déduirait pas de l’inanité du dossier d’accusation, de ses contradictions internes, cependant de manipulations obscènes et sinistres.

L’on feint de croire que le livre de Gilles Perrault n’avait d’autre vue que celui de s’ériger en opposition à la peine de mort, tandis qu’il démontrait que la punition ultime s’abattait avec la même ardeur dans le cas d’un dossier que l’institution judiciaire s’arrogeait le droit de maltraiter, ou bien d’instruire avec la plus haute négligence.

On lit dans cet ouvrage, établi avec minutie par Jean-Louis Vincent, ces lignes de conclusions :

« Il faut dire que les policiers sont des hommes. Avec leurs convictions, leurs valeurs. Arrêter l’auteur d’un crime, accumuler contre lui des preuves irréfutables, le présenter au juge avec un dossier indiscutable, voilà ce que recherche un enquêteur. Si des félicitations viennent saluer le travail réalisé, c’est encore mieux, et personne ne va s’en plaindre. Charger un particulier, que l’on sait innocent, d’un crime qu’il n’a pas commis ? Nul ne peut accepter une telle ignominie, étrangère à l’esprit de la « Grande Maison ». Imaginons, un instant, un dépravé   qui s’emploierait à trafiquer un dossier pour aller dans ce sens  : il ne serait pas suivi par ses collègues qui le dénonceraient  ; l’affaire tournerait court  et les conséquences ne tarderaient pas.« 

Ce n’est pourtant pas ce qui s’est produit lors de l’affaire d’Outreau, l’esprit de la « Grande Maison » n’inspirait qu’avec parcimonie les enquêteurs venus arrêter un huissier et sa femme devant leurs enfants, un chauffeur de taxi, un prêtre, une vendeuse de bonbons, un ouvrier tourneur, sur la foi d’une enquête qui tentait peut-être d’accumuler des preuves irréfutables, mais à défaut s’en est tenu aux inventions délirantes d’un témoin accusateur. Jusqu’au procès, cela n’a gêné personne et personne au Parquet, ni parmi les enquêteurs ne s’est avisé de dénoncer qui que ce soit et de bloquer la machine infernale transcendée par un dossier pour le moins trafiqué, par le fait qu’une pièce de procédure n’avait plus d’autre objet que de recouvrir les irrégularités et les paradoxes de la précédente.

Or c’est bien le sens caché de leurs entreprises : nier à toute force que le dossier Ranucci ait pu être arrangé – d’ailleurs parfois maladroitement – afin de faire coller l’accusation sur le coupable pré-désigné.

L’étude prétend à l’objectivité en se rivant à l’examen des pièces du dossier, comme si chacune d’elles détenait une valeur identique, qu’elle offrait une parfaite transparence et se détachait du contexte dans laquelle elle avait surgi. Les contradictions qui surviennent ne seraient que simples figures de style, signes de l’habileté des investigations, dont parfois le sommet vise pourtant la négligence.

Est-ce crédible ?

Lire la Suite

60 – Le rapport oublié 11 – Réviser à temps la condamnation de Raphaël Maillant aurait à nul doute permis d’éviter la commission d’un crime

Les causes d’erreurs judiciaires

À la source de l’erreur judiciaire se trouvent presque toujours deux causes principales et quelques causes adjacentes :

  • D’une part l’enquête ferme trop vite certaines des voies de recherche, par exemple sous la pression de l’opinion, ou des institutions, à quoi peuvent s’allier celle d’intérêts privés, et construit le système des charges d’accusation sur la base d’un parti pris.

Le parti pris se reconnaît à ce que l’on constate que les pièces du puzzle ne s’emboîtent pas : le système des charges recèle des manques et des oublis, des impossibilités et des incohérences, parfois flagrantes.

Pour maintenir l’accusation, l’institution pratique alors l’occultation d’une partie du dossier.

La révision consistera à mettre en lumière la partie du dossier qui se trouvait de ce fait inaperçue.

Il se livre alors un bras de fer avec l’institution judiciaire car il est tenté par tous moyens d’annihiler la révélation de la partie occultée sous le prétexte fallacieux qu’elle faisait tout de même partie du dossier, à tel ou tel titre. La décision d’irrecevabilité de la deuxième requête formée par M. Massé en est un archétype.

C’est souvent par ce biais que des requêtes qui auraient dû trouver une issue favorable sont rejetées sans possibilité de recours.

Lire la Suite

57 – Le rapport oublié 8 – L’innocence de M. Daniel Massé ? – comme pour Émile Zola, la question ne sera pas posée !

La commission de révision se trouve contrainte par la nécessité de préserver l’ordre institutionnel de maintenir un innocent en prison pour de nombreuses années, quitte à s’affranchir du respect scrupuleux de la loi.

La requête comporte plus de deux cents cinquante pages d’arguments, expose le plus clairement possible deux faits nouveaux et six éléments inconnus, il s’en déduit les questions qui se posent concernant les relations familiales entre les victimes notamment et qu’il conviendrait de résoudre par des commissions rogatoires simples.

LA REQUÊTE EN RÉVISION DÉPOSÉE PAR M. MASSÉ EST ACCESSIBLE EN SUIVANT CE LIEN

Annexe 1 / Annexe 2 / Annexe 3 / Annexe 4 / Annexe 5 / Annexe 6 / Annexe 7 / Annexe 7bis /Annexe 8 / Annexe 8bis / Annexe 9 / Annexe 10Annexe 11 / Annexe 12 / Annexe 13 / Annexe 14 / Annexe 15 / Annexe 16 / Annexe 17 / Annexe 17bis / Annexe 18 / Annexe 19 / Annexe 20Annexe 21 / Annexe 22 / Annexe 23 / Annexe 24 / Annexe 25 / Annexe 26 / Annexe 27 / Annexe 28 / Annexe 29 / Annexe 30Annexe 31 / Annexe 32 / Annexe 33 / Annexe 34

La réponse de la Commission consiste à justement ne jamais rien répondre puis à refuser toutes les demandes d’investigations simples que M. Massé a formulées explicitement dans un courrier :

  • Il apparaît que l’écriture manuscrite qui se trouve sur le colis est très probablement celle d’un membre de la famille des victimes et non pas celle de M. Massé ? Qu’elle connaissait le contenu du colis piégé avant même qu’il n’explose ? Ce que la cour d’assises ne pouvait connaître en aucune manière ?

La commission de révision se garde de conduire les démonstrations inverses et se trouve placée dans l’incapacité de répondre.

  • Il apparaît que la principale victime a été spoliée des deux tiers de son bien au moment même de l’attentat et n’en a rien dit aux enquêteurs durant les cinq années qu’a duré l’instruction, ce qui constitue un mobile autrement plus plausible que celui invoqué par l’accusation ? Et ce dont la cour d’assises ne pouvait avoir connaissance ?

La commission de révision prend soin de ne pas avoir à minimiser ce fait nouveau et se trouve placée dans l’incapacité de répondre.

  • Il apparaît – élément inconnu des jurés – que les experts ont émis de graves contrevérités dans leur rapport et que l’accusation s’est fondée en grande partie sur ce rapport mensonger, nonobstant le fait d’invoquer des pièces prétendument accusatrices mais invisibles, vu le manque de charges par ailleurs ?

La commission de révision ne se hasarde pas à estimer le degré de gravité d’une telle situation et se trouve placée dans l’incapacité de répondre.

Etc.

Lire la Suite

55 – Le rapport oublié 6 – Le véritable mobile de l’affaire Hernandez – Terrier constitue un fait nouveau sans contestation possible

L’entreprise Médilens a changé de main au moment de l’attentat, élément totalement ignoré des jurés et de la Cour.

 

La première interrogation qui ressort du dossier est celle-ci : comment se fait-il que ni les magistrats, ni le parquet, ni les avocats n’aient songé à se poser cette simple question : connaître les personnes qui détenaient la propriété de l’entreprise Médilens. C’est le Comité de soutien qui demande pour la première fois au greffe du tribunal de commerce de Toulouse de lui fournir les statuts et les procès-verbaux d’assemblée relatifs à cette entreprise.

Et c’est ainsi que nous mettons à jour que Médilens a changé de mains au moment même de l’attentat, savoir à quelques semaines d’intervalle. M. Joseph Hernandez qui possédait 90 % des parts avant d’être grièvement blessé, n’en détient plus ensuite que 30 % en janvier 1995, sans qu’il n’ait apposé une quelconque signature sur le procès-verbal qui l’entérine.

 

Autrement dit, son beau-père l’a spolié de 60 % des parts alors que quelques temps plus tôt, le malheureux gendre se refusait à en céder 12 % en une seule fois à M. Massé pour contrepartie de lui avoir fourni l’essentiel de l’outil de production – encore acceptait-il de le faire sur une période de trois ans à la condition que M. Massé devienne permanent bénévole.

Lire la Suite

54 – Le rapport oublié 5 – La constitution du Comité du soutien à Daniel Massé

La constitution du Comité du soutien

 

Nous avons pris soin de lui rappeler cependant qu’une étude de cette nature est longue, souvent fastidieuse et infructueuse, qu’elle nécessite beaucoup de prudence, de temps et de circonspection.

Au stade où nous abordons l’étude des pièces, il ne reste désormais à la disposition de M. Massé que la procédure en révision et l’on ne peut savoir s’il sera possible de trouver un élément inconnu de la juridiction au jour du procès ou un fait nouveau, la consistance des dossiers étant absolument différente d’une affaire à l’autre. Nous mettons également en garde M. Yannick Massé de ce que la procédure a toutefois peu de chance d’aboutir car la Commission et la Cour de révision ont pour notoriété de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour trouver un motif de ne pas atteindre à l’autorité de la chose jugée.

Nous indiquons de même, suivant l’expérience que nous avons acquise, notamment lors de la présidence du comité Deperrois, qu’il est inutile de contacter un conseil sans avoir préparé minutieusement le dossier de révision et qu’il reviendra au dit Comité de trouver les faits nouveaux et éléments inconnus.

L’avocat interviendra seulement dans un second temps pour remettre en forme juridique adéquate le mémoire que nous allons bâtir ensemble et rédiger la requête aux fins de la déposer devant la Commission de révision.

Lire la Suite

53 – Le rapport oublié 4 – Les avocats de la défense sont-ils parfois en France au service de l’accusation ?

La déshérence de la défense

Et M. Massé témoigne aujourd’hui d’avoir perçu l’audience se déliter et d’avoir eu cette affreuse impression que sa défense désertait le procès renvoyé. Au sens propre cette impression lui a traversé l’esprit de ne plus avoir de défense, qu’elle ne rétorquait à aucun des arguments présentés par l’accusation. Ses avocats n’ont eu de cesse de le rassurer certes : martelant qu’il découvrirait toute leur argumentation lors de la plaidoirie – tandis que les manques de la défense ne se rattrapent jamais au cours d’une plaidoirie –.

Hélas la plaidoirie contiendra la plus grande des maladresses. En effet il n’a pas été évoqué lors de cette session que M. Massé avait mis au point un projet de « cartouches-cadenas » pour empêcher l’utilisation intempestive des armes à feu. Son conseil invoque improprement des « cartouches explosives » sans préciser de quoi il s’agit véritablement, laissant supposer aux jurés que M. Massé est spécialiste des explosifs.

Par ailleurs la question du faux témoignage est masquée aux jurés, on ne fait pas répéter au témoin André Terrier qu’il est le seul selon ses dires à pouvoir confectionner un colis piégé avec l’accusé. L’expert commis par M. Massé qui a démontré dans un rapport que l’écriture qui figure sur le colis n’est pas la sienne est vouée aux gémonies par la partie civile aux fins de l’empêcher de déposer : ni le président, ni les avocats de la défense ne s’interposent.

 

Le président profite de même de la déshérence de la défense et réussit à glisser une comparaison entre les planches qu’on a trouvées au domicile de l’accusé et celles du colis alors que les expertises ont démontré qu’elles n’ont rien à voir, mais M. Massé est paralysé par l’intimation de ses défenseurs de ne pas répliquer. Eux-mêmes semblent tout autant tétanisés.

 

Et c’est dans ces conditions qu’il est condamné à 25 ans de prison.

  Lire la Suite

52 – Le rapport oublié 3 – Un Président d’assises tout à la fois Procureur et Enquêteur…

L’appel de l’acquittement signale simplement l’acharnement de l’Institution à obtenir coute que coute une condamnation : est-ce son rôle ?

Le temps si long de cette instruction vaine et sans objet semble avoir eu pour motif d’attendre la modification législative permettant au procureur général de faire appel des acquittements. En effet, au vu de l’état du dossier, l’acquittement de M. Massé par la Cour d’assises de Toulouse ne pouvait que s’imposer.

Comment les jurés – de la même façon que les gendarmes auparavant – pourraient-ils souscrire au mobile supposé produit par l’accusation qu’il aurait perdu la tête et se serait vengé pour 30 000 francs au lieu de saisir une juridiction civile ? M. Massé parvient en outre à démontrer qu’aucun des éléments produits par le juge d’instruction n’a de force probante car il s’agit de comparaisons trop vagues pour avoir valeur de charge.

Il faudra que soit organisé un procès où sont gommés un certain nombre d’éléments par un président-procureur pour obtenir une condamnation.

  Lire la Suite

50 Le rapport oublié

Lorsqu’à l’automne de l’année 2013 nous avons appris que l’Assemblée Nationale s’était saisie d’un projet de réforme de la loi sur la révision des condamnations pénales – et sans doute les réclamations de M. Deperrois et de M. Massé auprès de la Cour européenne des droits de l’homme n’y sont pas étrangères – , en tant que membres du Comité de soutien à M. Daniel Massé nous avons pensé qu’il était indispensable que nous rédigions un mémoire à l’attention des rapporteurs de la Mission d’information chargée de déposer des propositions en ce sens.

Et c’est ce que nous avons fait à plusieurs, pour démontrer que la détermination du Comité était intacte et que celle-ci s’accompagnait de réflexions, d’une pensée en perspective et en action afin d’atteindre l’idéal de toute institution judiciaire, qui répare autant qu’elle le peut et s’efforce de ne pas détruire.

De cet idéal, nous en sommes encore tant éloigné…

Ce rapport n’a pas été publié par la Mission. Au vu de ce qu’il contient, le lecteur en comprendra aisément les raisons.

Au bout du compte, après la réforme, les défauts de constitutionnalité de la loi précédente n’ont été corrigés qu’en infime partie – l’absence de tout recours, contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et contraire à la Constitution française notamment demeure – et dans les faits, la réécriture de la loi maquille autrement l’embargo organisé pour empêcher toute révision. Elle semble un bel écho au message délivré par les parlementaires au monde judiciaire : vous pouvez commettre des erreurs et couper court par obstruction à toute révision, mais nous vous prions de bien vouloir faire en sorte que cela ne se sache pas, que cela ne se remarque pas…

Voici le rapport oublié :

Lire la Suite

49 Cela, ce n’est pas la justice, c’est une exécution.

 

Je suivais le procès dit : « de la Josacine empoisonnée » par le biais des journaux, ce qui se disait dans le Monde notamment. À cette époque, ce journal possédait encore l’âme du principe d’indépendance.

Le verdict avait été rendu dans la nuit, en ce jour de mai 1997, juste à l’instant où s’achevait la campagne législative qui allait ramener le parti socialiste au pouvoir et ce nouveau Waldek-Rousseau en la personne de M. Lionel Jospin.

Anne-Marie Deperrois était descendue au bas des marches, conviée par la presse. Tout au long des dix-sept jours qu’avait duré le procès, le doute s’était tant installé qu’on eut pu croire que la loi devait alors s’appliquer et qu’il devait naturellement profiter à l’accusé. C’était mal connaître le Président Jean Reynaud.

Ainsi il n’en avait rien été, le doute n’avait en rien profité à l’innocent, et le verdict sonnait comme une exécution vulgaire. Madame Deperrois annonçait son combat, sans en connaître encore la longueur infinie et jetait à la face de notre pays médiocre, la lumière lucide qui allait le recouvrir.

Maître Charles Libman cherchait en lui l’air le plus grave pour déclamer qu’un tel verdict n’annonçait pas la réconciliation des Français avec leur justice, malheureusement ajoutait-il.

Le procureur Gaubert s’était vu vilipendé par la presse nationale, les grandes plumes comme l’on disait et il en gardait une terrible mortification, sa revanche allait prendre un autre nom : Daniel Massé.

 

 

Get the Flash Player to see the wordTube Media Player.

 

Ils ne supportaient pas autre chose que l’acquittement : sans doute la raison en était que le déroulement des audiences les avaient convaincus qu’il était innocent… tout simplement.

 

 

Lire la Suite

48 Et peut-être l’Isère…

 

Il pouvait s’imaginer que l’homme au pull rouge ait recommencé, plus tard, dans l’invisible.

Une responsabilité incommensurable revenait au Président de la Cour d’assises d’Épinal, de ses assesseurs, des jurés, puis à celle de Maître Welzer qui appuya l’accusation pour les parties civiles et promit de s’insurger contre toute demande de révision, d’avoir commis cette faute de condamner injustement Raphaël Maillant à 17 ans de réclusion criminelle.

Une jeune femme de La Rochelle qui n’espérait nulle compassion sinon vivre une histoire d’amour serait sans doute vivante encore, elle qui s’était éprise pour son malheur – sans rien connaître de son passé – de celui qu’on avait déchargé du crime au prétexte de sa timidité.

Le jury et les parties civiles tout comme l’accusation passaient sous silence que l’humilité pour être feinte se révélait en quelque hasard parfois la face accueillante du signe de l’intense dérèglement de la personnalité.

Le jury d’Épinal a vraisemblablement choisi le mauvais coupable, puis la Cour de cassation a fait obstruction durant des années pour barrer la route à toute révision, et laissé celui sur qui pesait de terribles soupçons sans doute seul responsable du crime avec ses remords intérieurs. Vingt ans plus tard il a peut-être recommencé, il s’en est peut-être pris à sa femme, à la mère de son fils. Il est mis en cause pour avoir usé d’une insigne violence et de l’avoir tuée.

Qu’en est-il de cet être à la folie rageuse, agressive : l’homme au pull rouge ?

 

L’homme au pull rouge va recommencer, l’homme au pull rouge va récidiver…

L’homme au pull rouge va recommencer… C’est ce qui se murmure lorsque l’on comprend que Christian Ranucci n’est pas le meurtrier de Marie-Dolorès Rambla.

Lire la Suite

46 L’homme au pull rouge, meurtrier de Marie-Dolorès Rambla

 

L‘affaire du meurtre de Marie-Dolorès Rambla s’insinuait par une série d’agressions d’enfants commises dans deux cités de Marseille, celle des Tilleuls quartier Saint-Jérôme, celle des Cerisiers quartier Saint-Loup, le vendredi 31 mai puis le samedi 1er juin 1974.

Les parents d’un garçonnet qui résident aux Tilleuls prennent si peur qu’ils quittent leur logement peu après, les autres portent plainte pour les tentatives d’enlèvement de leur fille, et ceux des Cerisiers font de même car cet homme vêtu d’un pull rouge a pratiqué des attouchements sur leurs enfants dans l’espace resserré d’un escalier.

Les enquêteurs n’ont pas manqué de faire le rapprochement avec l’enlèvement de la Cité Sainte-Agnès survenu deux jours plus tard, d’estimer la concordance des lieux que relie la rocade du Jarret, et plus encore d’en rapporter l’écho à ces journalistes qui arpentent les couloirs du commissariat central la journée et la soirée du 4 juin, et retranscrivent les bribes lancinantes de ce qu’ils entendent. Ce qui retient à cette aune l’attention des policiers, c’est précisément l’agissement de cet agresseur qui vient guetter ses proies dans certaines des cités de Marseille.

 

Il les prend toujours par deux, c’est là sa méthode pour amadouer l’une en usant des questions sur l’autre et par ce stratagème éteindre leur méfiance. Lire la Suite

45 Cet homme, toujours le même, que désignaient six témoins…

 

Pour reconstituer précisément la trame du témoignage de Mme Mattéi, il fallait user de plusieurs sources  puisqu’il ne subsistait rien des dépositions qu’elle avait faites au commissariat Saint-Just, ni même le procès verbal de la plainte qu’elle avait déposée dont les enquêteurs affirmaient qu’il n’avait jamais existé.

(Nous apprendrons bientôt que les archives de la police marseillaise ne sont en vérité pas tenues avec la rigueur nécessaire à la conduite d’une enquête pour laquelle un accusé risque la peine de mort…)

Lire la Suite

44 De fil en aiguille

 

 Que n’a-t-on tenté pour discréditer le témoignage de Mme Mattéi, car la rencontre fortuite devant la prison des Baumettes avec Mme Mathon mettait soudain au jour le fait que des éléments de procédure avaient été purement et simplement escamotés.

Madame Mattéi prétendait avoir été mise en présence de Christian Ranucci et cet acte devait donner alors lieu à un procès-verbal, d’autant plus si la reconnaissance s’avérait négative, car cette présentation du suspect provenait justement de ce que que le témoin évoquait un pullover rouge, justement celui-là même que l’on avait découvert dans la champignonnière.

Lire la Suite

43 Visages de l’homme au pullover rouge

 

Que cet homme, dont on ne connaît que la pièce de vêtement écarlate qu’il portait lorsqu’il agressait des enfants, ait pu décider après le meurtre de Marie-Dolorès Rambla de monter dans la voiture de Christian Ranucci et le basculer sur le siège arrière pour le conduire dans un tunnel perdu au milieu d’une lande, l’évocation suscitait l’incrédulité, l’incompréhension, comme s’il s’agissait d’un prodige.

Il apparaissait même que l’opération de basculer le corps inconscient du jeune homme sur la banquette arrière tenait d’une gageure dans un habitacle aussi restreint que celui d’un coupé. Comment cet homme avait-il procédé ? On parlait d’invraisemblance, on rétorquait : mais si Christian Ranucci était venu à se réveiller brusquement ?

Lire la Suite

42 Comment résoudre les incohérences d’un dossier, sinon remettre les faits dans leur ordre au bon instant ?

Il était loisible aux jurés de s’autoriser d’user de raison avant d’assassiner ce jeune homme de 22 ans. Ils s’en défendirent la pensée même, ce n’était que gens de passage, pris dans les habitudes et la formule ronde des idées reçues, la soumission aux institutions, la naïveté. Les vociférations qui leur parvenaient dans la salle des délibérations paraient à les contraindre dans le sens de l’incantation, non pas celle de la sagesse…

Un élément entre tous, qu’ils pouvaient pourtant apercevoir mettait bas l’édifice instable de l’accusation : dans la voiture de Christian Ranucci, il ne s’était découvert aucune trace de sang.  Et les enquêteurs avaient bien leur conviction sur la question car sinon se seraient ils dispensés de rendre une pièce à conviction d’une telle importance à la mère de l’inculpé le lendemain même des premières investigations, elle qui ne savait pas conduire.

Tant de flots de sang accompagnaient la rage barbare du meurtrier, s’il ne s’en trouvait pas dans l’habitacle du coupé Peugeot, c’est que celui-ci n’était pas monté à l’intérieur sitôt le crime commis, qu’il s’était bien écoulé une période de temps suffisamment longue pour lui laisser le temps de changer d’habits, à tout le moins.

L’accusation supposait que Christian Ranucci avait tué l’enfant à 12h30, qu’il avait recouvert le corps de branchages, qu’il avait glissé le couteau dans sa poche pour reprendre aussitôt sa voiture. Cela ne se pouvait pas.

Le meurtre s’était donc déroulé un long moment auparavant, et lorsqu’il avait pris la place du conducteur, l’homme au pull rouge s’était changé et le sang avait définitivement séché.

Lire la Suite

41 Ce qui se passa après le crime à midi…

 

À midi, l’horrible sacrifice une fois accompli, cette colère assouvie dans la violence des coups de couteau, l’on peut en déduire ce que fut la première obsession du meurtrier : ôter ses vêtements souillés et se changer avant tout.

Et dès lors il était primordial de regagner le chemin de la Doria et reprendre dans la Simca 1100 des vêtements de rechange, entasser la chemise, la veste, le pantalon au fond d’un sac avant de revenir sur les lieux cacher du mieux qu’il se pouvait le corps de l’enfant, même sommairement. Et peut-être y ajouta-t-il une protection pour ses mains lorsqu’il couperait les buissons destinés à le recouvrir.

Sans doute venait-il de revenir depuis la voiture à pied jusqu’au talus, et peut-être avait-il pris quelques instants pour arranger quelques branchages et masquer son forfait, et reprenait-il son sac avec l’intention de l’enfouir dans le tunnel isolé au cœur du domaine de la champignonnière qu’il connaissait assurément.

Il était 12h 30 lorsqu’il entendit une voiture s’arrêter en contrebas sur la route, peut-être une dizaine ou une vingtaine de mètres plus bas que l’aplomb du talus par où Marie-Dolorès avait tenté de s’échapper. Lire la Suite

39 Naissance d’une loi rétroactive … Codicille : le mille-feuille ou comment relever l’impéritie du Parlement (Chapitre V – fin).

 

Une disposition, censée avoir pour visée de se conformer à une exigenceen vérité parfaitement imaginaire – de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme venait violer sans égard le principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale, réaffirmé par l’un des protocoles ratifiés par la France de cette même convention…

Voilà qui composait un bien sombre tableau de ce rapiéçage incertain que l’on nomme travail parlementaire, aussi convenait-il que cet aspect attentatoire aux libertés publiques de la loi autorisant l’appel du procureur général des acquittements fût dissimulé autant qu’il se pût.

Par malheur, survint le drame de Quévert… et l’institution judiciaire, prise au piège des contradictions de ses menées réactionnaires, allait bientôt s’enferrer d’elle-même.

 

Un attentat sans cause, sinon celle de détruire ce qu’il prétend représenter …

Le 19 avril 2000 à dix heures du matin, une jeune femme a perdu la vie dans une bourgade du Morbihan qui se dénomme Quévert.

Lire la Suite

37 Orner d’apparente vertu l’erreur judiciaire… Naissance d’une loi rétroactive (Chapitre III Suite)

Il est aisé de concevoir qu’accorder au Procureur général le droit de faire appel d’un acquittement ne peut qu’accroître fortement la survenue d’erreurs judiciaires, en ceci que le jugement des Cours d’assises est un couperet, qu’il est dépourvu des motifs qui le justifient (1).

Acquitter un homme accusé d’un crime survient lorsque son innocence se reconnaît dans sa plénitude, et tout au moins par l’incertitude du doute raisonnable qui devrait lui profiter par un principe constitutionnel évanescent.

Une seconde procédure n’a de sens véritable que si les charges ont pris meilleure consistance à l’aune de faits nouveaux survenus entretemps, d’éléments nouvellement révélés par une enquête additionnelle. Autrement, la même incertitude ne manque pas de persister, empoisonnée d’une semblable manière, et l’on ne perçoit pas en quoi une seconde sentence tout aussi peu motivée que la première pourrait pallier à ce qui faisait défaut à l’accusation pour emporter condamnation.

De la sorte, il était d’une grande évidence que ceux qui souhaitaient instituer par un appel la remise en cause d’un acquittement songeaient à tirer parti de la connaissance du premier procès pour emporter la conviction du jury  lors de l’audience d’appel par un double phénomène, celui d’arranger les débats de telle sorte que la culpabilité semblât cette fois irréfutable ou bien que le doute puisse s’épuiser au gré du mélange des arguments.

Lire la Suite

36 Une manière d’instrumenter les procès… Naissance d’une loi rétroactive (Chapitre II suite)

 

La disposition issue de l’article 368 qui ne permettait pas à l’institution judiciaire de faire appel des arrêts d’acquittements incommodait à nul doute la haute hiérarchie car il suffisait d’un jury sensible pour que l’affaire échappât au contrôle de la cour de cassation et qu’elle fût hors d’atteinte du parquet, ce qui ouvrait alors – sainte épouvante – une indépendance nouvelle des présidents de Cour.

 

 

Comment l’institution judiciaire imposa le raisonnement par l’absurde et conduisit le gouvernement socialiste, sous la pression des droites, à laisser introduire par amendement la première disposition rétroactive depuis le régime de Vichy…

Il convenait cependant de pouvoir s’appuyer sur le meilleur prétexte qui vienne à justifier un tel recul du droit ; la loi sur l’appel n’était pas encore entrée en application qu’une occasion parut sous la forme idéale d’un procès  où s’invoquait l’esprit du roi Salomon, celui des parents de Lubin Duchemin. Lire la Suite