78 – Le cinquième trucage (4)

L’inspecteur Grivel, celui qui en dit trop …

La police a demandé à Mme Mattéi de se rendre aux funérailles de la petite Marie-Dolorès, pour le cas où l’homme au pull rouge s’y manifesterait, c’est ce dont elle témoigne aux avocats de Christian Ranucci…

La police a demandé à M. Martel de se déplacer dans un asile psychiatrique pour voir s’il ne pourrait y croiser l’homme au pull rouge… En vain.

Ce sont des choses qu’ils ne pouvaient inventer et qui démontraient à l’envi que la police de Marseille prenait cette piste au sérieux, tout en la dissimulant.

Elle aurait pu la suivre, les Renseignements Généraux – paraît-il – ont recherché dans les archives combien de Simca 1100 grises immatriculées en Meurthe et Moselle et dont le numéro minéralogique comprend un 8 étaient répertoriées dans le registre des cartes grises, et n’en ont recensé qu’une centaine pour celles en circulation au moment des faits…

Il est donc possible qu’un jour l’on soit en mesure de donner un nom à cet homme qui rodait dans les cités marseillaises des quartiers nord…

En attendant l’on aura compris comment les enquêteurs ont vidé le plus qu’ils pouvaient du dossier toute référence à ce qui nimbe le pull rouge avec des boutons dorés sur l’épaule, pourtant conservé au titre de l’affaire Marie-Dolorès Rambla, après avoir été saisi sous des planches, dans la galerie où se trouvait la voiture de Christian Ranucci.

Le meurtrier avait pris la place du conducteur, basculant Christian Ranucci sur la banquette arrière et conduisant la Simca dans le tunnel qu’il connaissait parfaitement lui.

Sur la base des aveux recueillis le 6 juin dans l’après-midi, le soir de ce même jour les enquêteurs vont aller replanter dans la tourbe le couteau découvert la veille …

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77 – Le cinquième trucage (3)

Comment la garde-à-vue a servi à redéfinir les éléments du dossier pour aboutir à ce que « tout coule de source »…

Regardons ce que les enquêteurs possèdent dans leurs mains tandis que commence l’interrogatoire de Christian Ranucci.

Depuis que les gendarmes leur ont transmis les informations relatives à l’accident survenu au carrefour de la Pomme, les enquêteurs de l’Évêché ne peuvent pas ne pas avoir compris que ça ne collait pas. 

Et donc que le conducteur Ranucci ne se trouve à cet endroit que par accident, que sa présence relève de la coïncidence et que le meurtre s’y est déroulé en parallèle, avec une heure et demi d’avance… et que rien ne correspond, ni le modèle de voiture, ni le lieu de résidence des suspects.

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76 – Le cinquième trucage (2)

Le mardi 4 juin, l’enquête sur l’enlèvement de Marie-Dolorès Rambla se divise en deux, l’une se trouve être du ressort de la Police, l’autre relève de la compétence de la Gendarmerie :

Les lieux de l’enlèvement – cité Sainte Agnès à Marseille

Pour ce qui concerne l’enlèvement à Marseille, un garagiste, M. Spinelli, se présentera le 5 juin en informant les policiers qu’il a vu depuis sa porte – il était onze heures – la voiture du ravisseur garée 50 mètres plus bas, qu’il l’a identifiée en sa qualité de carrossier comme étant une simca 1100 grise (donc les témoignages concordent entre M. Spinelli et Jean Rambla). L’ homme a fait monter l’enfant dans le véhicule à l’avant, apparemment sans qu’elle ne fasse montre de réticence.

Les éléments recueillis par la police marseillaise sont donc les suivants :

  • l’agresseur qui a enlevé Maria-Dolorès sévit depuis le vendredi 31 mai dans différentes cités de la ville ;
  • il a l’accent des gens de Marseille ou bien au moins ceux du midi ;
  • Il opère selon deux modes : l’agression directe dans un recoin, ou bien une tentative d’enlèvement en prétextant rechercher son chien noir… ;
  • Le vendredi 31 mai et le samedi 1er juin, il portait un pull rouge avec des boutons dorés sur l’épaule ;
  • Il conduit une simca 1100 immatriculée en Meurthe et Moselle ;
  • C’est un habitué de ce genre de chasse. Il sait se tapir dans un coin près de la sortie, afin de se réserver tous moyens de fuite…

Les lieux de l’accident – Carrrefour de la Pomme – Peypin

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75 – Le cinquième trucage (1)

Pour démêler les sinuosités de l’enquête ayant conduit à la condamnation à mort de Christian Ranucci, il convient de ne garder un instant à l’esprit que le cheminement des enquêteurs, se poser de leur seul point de vue, n’éclairer que ce qu’ils découvrent au fur et à mesure de leurs investigations, ce qu’ils écartent, ce qu’ils faussent pour contourner l’impossible contradiction des pièces qu’ils tentent de rapprocher.

Les inqualifiables manquements de la défense trouvent leur source dans le fait que celle-ci se confrontait aux irrégularités de procédures et aux maquillages destinés à dissimuler les incohérences au travers desquelles se manifeste l’innocence de Christian Ranucci et la volonté de masquer l’identité du véritable tueur.

Il est un principe non écrit et qui s’inscrit dans la coutume française, bien au-dessus du respect de l’ordre constitutionnel : les avocats d’un mis en cause – sauf à se voir opposer la puissance de leur ordre et la menace d’une suspension – ne peuvent jamais remettre en cause une enquête conduite par les autorités. Confier la défense au bâtonnier et tout à la fois à un conseil débutant et inexpérimenté, c’était s’assurer que les trucages de l’enquête resteraient dans l’ombre.

Or donc il n’est toutefois pas courant que le bâtonnier s’institue comme défenseur. Le bâtonnier Chiappe n’avait d’autre rôle que d’assurer Maître Le Forsonney de n’être jamais mis en cause alors qu’il lui était fortement suggéré de ne pas être présent lors des convocations du juge d’instruction Di Marino, dès lors qu’il était question du couteau, du pantalon ou bien des témoins recrutés par petite annonce publiée dans Nice matin.

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62 – Christian Ranucci : du doute à la vérité… policière

Pourquoi vouloir jeter tant de cendres sur ce qui reste du corps supplicié de Christian Ranucci ?

Il paraît à quelques années d’intervalles de beaux livres rédigés par d’anciens enquêteurs de police dont l’objet est semblable de l’un à l’autre ; rechercher à raccorder par quelques chevilles les différentes pièces du dossier afin qu’elles semblent former une cohérence habillée d’une parure de vraisemblance et que la responsabilité du guillotiné soit l’objet d’une évidence : Suivez les pointillés, il est coupable vous voyez bien !

L’on ne sait si nombre de gens pourraient se laisser prendre à de telles injonctions, lesquelles ont toujours pour objet de réduire le raisonnement au fil le plus fin, d’écarter ce qui pourrait nuire à la pureté d’une logique éclairée d’une seule conviction. Le livre précédent composé par M. Bouladou fondait le raisonnement sur la prétendue mauvaise foi des contradicteurs, qui se permettent impunément de mettre en cause l’honorabilité des institutions et de ceux qui les servent.

Le dernier ouvrage propose de s’en tenir au dossier, de ne soulever nulle tempête, de défaire la procédure de prétendus mythes qui se seraient agrégés comme autant de pustules sur l’ouvrage de la police et de l’administration judiciaire, pour en troubler la compréhension. L’innocence de Christian Ranucci ne se déduirait pas de l’inanité du dossier d’accusation, de ses contradictions internes, cependant de manipulations obscènes et sinistres.

L’on feint de croire que le livre de Gilles Perrault n’avait d’autre vue que celui de s’ériger en opposition à la peine de mort, tandis qu’il démontrait que la punition ultime s’abattait avec la même ardeur dans le cas d’un dossier que l’institution judiciaire s’arrogeait le droit de maltraiter, ou bien d’instruire avec la plus haute négligence.

On lit dans cet ouvrage, établi avec minutie par Jean-Louis Vincent, ces lignes de conclusions :

« Il faut dire que les policiers sont des hommes. Avec leurs convictions, leurs valeurs. Arrêter l’auteur d’un crime, accumuler contre lui des preuves irréfutables, le présenter au juge avec un dossier indiscutable, voilà ce que recherche un enquêteur. Si des félicitations viennent saluer le travail réalisé, c’est encore mieux, et personne ne va s’en plaindre. Charger un particulier, que l’on sait innocent, d’un crime qu’il n’a pas commis ? Nul ne peut accepter une telle ignominie, étrangère à l’esprit de la « Grande Maison ». Imaginons, un instant, un dépravé   qui s’emploierait à trafiquer un dossier pour aller dans ce sens  : il ne serait pas suivi par ses collègues qui le dénonceraient  ; l’affaire tournerait court  et les conséquences ne tarderaient pas.« 

Ce n’est pourtant pas ce qui s’est produit lors de l’affaire d’Outreau, l’esprit de la « Grande Maison » n’inspirait qu’avec parcimonie les enquêteurs venus arrêter un huissier et sa femme devant leurs enfants, un chauffeur de taxi, un prêtre, une vendeuse de bonbons, un ouvrier tourneur, sur la foi d’une enquête qui tentait peut-être d’accumuler des preuves irréfutables, mais à défaut s’en est tenu aux inventions délirantes d’un témoin accusateur. Jusqu’au procès, cela n’a gêné personne et personne au Parquet, ni parmi les enquêteurs ne s’est avisé de dénoncer qui que ce soit et de bloquer la machine infernale transcendée par un dossier pour le moins trafiqué, par le fait qu’une pièce de procédure n’avait plus d’autre objet que de recouvrir les irrégularités et les paradoxes de la précédente.

Or c’est bien le sens caché de leurs entreprises : nier à toute force que le dossier Ranucci ait pu être arrangé – d’ailleurs parfois maladroitement – afin de faire coller l’accusation sur le coupable pré-désigné.

L’étude prétend à l’objectivité en se rivant à l’examen des pièces du dossier, comme si chacune d’elles détenait une valeur identique, qu’elle offrait une parfaite transparence et se détachait du contexte dans laquelle elle avait surgi. Les contradictions qui surviennent ne seraient que simples figures de style, signes de l’habileté des investigations, dont parfois le sommet vise pourtant la négligence.

Est-ce crédible ?

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60 – Le rapport oublié 11 – Réviser à temps la condamnation de Raphaël Maillant aurait à nul doute permis d’éviter la commission d’un crime

Les causes d’erreurs judiciaires

À la source de l’erreur judiciaire se trouvent presque toujours deux causes principales et quelques causes adjacentes :

  • D’une part l’enquête ferme trop vite certaines des voies de recherche, par exemple sous la pression de l’opinion, ou des institutions, à quoi peuvent s’allier celle d’intérêts privés, et construit le système des charges d’accusation sur la base d’un parti pris.

Le parti pris se reconnaît à ce que l’on constate que les pièces du puzzle ne s’emboîtent pas : le système des charges recèle des manques et des oublis, des impossibilités et des incohérences, parfois flagrantes.

Pour maintenir l’accusation, l’institution pratique alors l’occultation d’une partie du dossier.

La révision consistera à mettre en lumière la partie du dossier qui se trouvait de ce fait inaperçue.

Il se livre alors un bras de fer avec l’institution judiciaire car il est tenté par tous moyens d’annihiler la révélation de la partie occultée sous le prétexte fallacieux qu’elle faisait tout de même partie du dossier, à tel ou tel titre. La décision d’irrecevabilité de la deuxième requête formée par M. Massé en est un archétype.

C’est souvent par ce biais que des requêtes qui auraient dû trouver une issue favorable sont rejetées sans possibilité de recours.

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58 – Le rapport oublié 9 – La Commission de révision est comme les schizophrènes : elle est et elle n’est pas une juridiction de jugement…

 

La réponse de la Commission de révision sera des plus diligentes et consiste à prendre de vitesse la publication du Journal Officiel.

En effet la disposition législative sur laquelle elle s’appuie pour refuser la transmission de cette question prioritaire à la Cour de cassation, en l’occurrence l’article 23-6,  est supprimée quinze jours après le rendu de sa décision par la promulgation de la loi réformant le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Car bien évidemment la question posée par M. Massé nous semble particulièrement sérieuse et n’a jamais été soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas contestable.

Or la solution proposée par la Commission consiste à relever que la question doit être transmise directement au Premier Président de la Cour de cassation comme en dispose l’article 23-6 promis à suppression. Ce qui est rigoureusement impossible puisqu’elle doit être examinée auparavant par la Commission et jointe à la procédure.

Ainsi, la réponse négative quant à la transmission de la question de constitutionnalité de la Commission de révision est celle des schizophrènes : je ne juge pas et je n’existe pas.

 

Autrement dit, au cas où l’on adresse la question prioritaire au Premier Président, l’on respecte l’article 23-6 mais l’on transgresse l’article 23-2 et la question est rejetée ; au cas où l’on adresse la question prioritaire par écrit motivé et séparé en la joignant à la requête comme M. Massé a cru bon de faire, on respecte l’article 23-2 mais l’on transgresse l’article 23-6 et la question est rejetée.

M. Massé doit en déduire que la question ne sera pas posée.

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48 Et peut-être l’Isère…

Il pouvait s’imaginer que l’homme au pull rouge ait recommencé, plus tard, dans l’invisible.

Une responsabilité incommensurable revenait au Président de la Cour d’assises d’Épinal, de ses assesseurs, des jurés, puis à celle de Maître Welzer qui appuya l’accusation pour les parties civiles et promit de s’insurger contre toute demande de révision, d’avoir commis cette faute de condamner injustement Raphaël Maillant à 17 ans de réclusion criminelle.

Une jeune femme de La Rochelle qui n’espérait nulle compassion sinon vivre une histoire d’amour serait sans doute vivante encore, elle qui s’était éprise pour son malheur – sans rien connaître de son passé – de celui qu’on avait déchargé du crime au prétexte de sa timidité.

Le jury et les parties civiles tout comme l’accusation passaient sous silence que l’humilité pour être feinte se révélait en quelque hasard parfois la face accueillante du signe de l’intense dérèglement de la personnalité.

Le jury d’Épinal a vraisemblablement choisi le mauvais coupable, puis la Cour de cassation a fait obstruction durant des années pour barrer la route à toute révision, et laissé celui sur qui pesait de terribles soupçons sans doute seul responsable du crime avec ses remords intérieurs. Vingt ans plus tard il a peut-être recommencé, il s’en est peut-être pris à sa femme, à la mère de son fils. Il est mis en cause pour avoir usé d’une insigne violence et de l’avoir tuée.

Qu’en est-il de cet être à la folie rageuse, agressive : l’homme au pull rouge ?

L’homme au pull rouge va recommencer, l’homme au pull rouge va récidiver…

L’homme au pull rouge va recommencer… C’est ce qui se murmure lorsque l’on comprend que Christian Ranucci n’est pas le meurtrier de Marie-Dolorès Rambla.

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47 La voiture venue de l’Est, les Saintes-Maries de la Mer

Les quatre éléments de preuves par lesquelles on entendait démontrer sa culpabilité s’avéraient controuvés ou falsifiés. On avait condamné Christian Ranucci sur la foi d’un dossier truqué.

Le couteau taché de sang avait été retrouvé à nul doute par les gendarmes le 5 juin dans l’après-midi et replanté dans la tourbe le lendemain afin qu’on le découvrit une seconde fois, après les aveux qui désignaient vaguement un emplacement, ce qui laissait croire que Christian Ranucci en connaissait la position avant les policiers.

Le pantalon n’avait pas été saisi dans le coffre de la voiture comme le prétendait un procès-verbal surchargé et falsifié, mais dans le garage quelques jours après, où il traînait depuis un mois après l’accident de mobylette, à la faveur d’une seconde saisie de la voiture hors la vue de Mme Mathon,

Le plan par lequel Christian Ranucci retraçait l’enlèvement de l’enfant était en fait un décalque d’une photographie du cadastre, or donc réalisé par les policiers eux-mêmes,

Quant au témoignage du couple Aubert, il relevait de l’incohérence, dès lors que ceux-ci prétendaient avoir aperçu l’enfant tout près, tandis qu’ils étaient incapables d’en témoigner auparavant devant les gendarmes, qui n’avaient pas retrouvé le corps sur leurs indications alors inexistantes.

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46 L’homme au pull rouge, meurtrier de Marie-Dolorès Rambla

L‘affaire du meurtre de Marie-Dolorès Rambla s’insinuait par une série d’agressions d’enfants commises dans deux cités de Marseille, celle des Tilleuls quartier Saint-Jérôme, celle des Cerisiers quartier Saint-Loup, le vendredi 31 mai puis le samedi 1er juin 1974.

Les parents d’un garçonnet qui résident aux Tilleuls prennent si peur qu’ils quittent leur logement peu après, les autres portent plainte pour les tentatives d’enlèvement de leur fille, et ceux des Cerisiers font de même car cet homme vêtu d’un pull rouge a pratiqué des attouchements sur leurs enfants dans l’espace resserré d’un escalier.

Les enquêteurs n’ont pas manqué de faire le rapprochement avec l’enlèvement de la Cité Sainte-Agnès survenu deux jours plus tard, d’estimer la concordance des lieux que relie la rocade du Jarret, et plus encore d’en rapporter l’écho à ces journalistes qui arpentent les couloirs du commissariat central la journée et la soirée du 4 juin, et retranscrivent les bribes lancinantes de ce qu’ils entendent. Ce qui retient à cette aune l’attention des policiers, c’est précisément l’agissement de cet agresseur qui vient guetter ses proies dans certaines des cités de Marseille.

Il les prend toujours par deux, c’est là sa méthode pour amadouer l’une en usant des questions sur l’autre et par ce stratagème éteindre leur méfiance. Lire la Suite

45 Cet homme, toujours le même, que désignaient six témoins…

 

Pour reconstituer précisément la trame du témoignage de Mme Mattéi, il fallait user de plusieurs sources  puisqu’il ne subsistait rien des dépositions qu’elle avait faites au commissariat Saint-Just, ni même le procès verbal de la plainte qu’elle avait déposée dont les enquêteurs affirmaient qu’il n’avait jamais existé.

(Nous apprendrons bientôt que les archives de la police marseillaise ne sont en vérité pas tenues avec la rigueur nécessaire à la conduite d’une enquête pour laquelle un accusé risque la peine de mort…)

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44 De fil en aiguille

 Que n’a-t-on tenté pour discréditer le témoignage de Mme Mattéi, car la rencontre fortuite devant la prison des Baumettes avec Mme Mathon mettait soudain au jour le fait que des éléments de procédure avaient été purement et simplement escamotés.

Madame Mattéi prétendait avoir été mise en présence de Christian Ranucci et cet acte devait donner alors lieu à un procès-verbal, d’autant plus si la reconnaissance s’avérait négative, car cette présentation du suspect provenait justement de ce que que le témoin évoquait un pullover rouge, justement celui-là même que l’on avait découvert dans la champignonnière.

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43 Visages de l’homme au pullover rouge

Que cet homme, dont on ne connaît que la pièce de vêtement écarlate qu’il portait lorsqu’il agressait des enfants, ait pu décider après le meurtre de Marie-Dolorès Rambla de monter dans la voiture de Christian Ranucci et le basculer sur le siège arrière pour le conduire dans un tunnel perdu au milieu d’une lande, l’évocation suscitait l’incrédulité, l’incompréhension, comme s’il s’agissait d’un prodige.

Il apparaissait même que l’opération de basculer le corps inconscient du jeune homme sur la banquette arrière tenait d’une gageure dans un habitacle aussi restreint que celui d’un coupé. Comment cet homme avait-il procédé ? On parlait d’invraisemblance, on rétorquait : mais si Christian Ranucci était venu à se réveiller brusquement ?

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42 Comment résoudre les incohérences d’un dossier, sinon remettre les faits dans leur ordre au bon instant ?

Il était loisible aux jurés de s’autoriser d’user de raison avant d’assassiner ce jeune homme de 22 ans. Ils s’en défendirent la pensée même, ce n’était que gens de passage, pris dans les habitudes et la formule ronde des idées reçues, la soumission aux institutions, la naïveté. Les vociférations qui leur parvenaient dans la salle des délibérations paraient à les contraindre dans le sens de l’incantation, non pas celle de la sagesse…

Un élément entre tous, qu’ils pouvaient pourtant apercevoir mettait bas l’édifice instable de l’accusation : dans la voiture de Christian Ranucci, il ne s’était découvert aucune trace de sang.  Et les enquêteurs avaient bien leur conviction sur la question car sinon se seraient ils dispensés de rendre une pièce à conviction d’une telle importance à la mère de l’inculpé le lendemain même des premières investigations, elle qui ne savait pas conduire.

Tant de flots de sang accompagnaient la rage barbare du meurtrier, s’il ne s’en trouvait pas dans l’habitacle du coupé Peugeot, c’est que celui-ci n’était pas monté à l’intérieur sitôt le crime commis, qu’il s’était bien écoulé une période de temps suffisamment longue pour lui laisser le temps de changer d’habits, à tout le moins.

L’accusation supposait que Christian Ranucci avait tué l’enfant à 12h30, qu’il avait recouvert le corps de branchages, qu’il avait glissé le couteau dans sa poche pour reprendre aussitôt sa voiture. Cela ne se pouvait pas.

Le meurtre s’était donc déroulé un long moment auparavant, et lorsqu’il avait pris la place du conducteur, l’homme au pull rouge s’était changé et le sang avait définitivement séché.

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41 Ce qui se passa après le crime à midi…

 

À midi, l’horrible sacrifice une fois accompli, cette colère assouvie dans la violence des coups de couteau, l’on peut en déduire ce que fut la première obsession du meurtrier : ôter ses vêtements souillés et se changer avant tout.

Et dès lors il était primordial de regagner le chemin de la Doria et reprendre dans la Simca 1100 des vêtements de rechange, entasser la chemise, la veste, le pantalon au fond d’un sac avant de revenir sur les lieux cacher du mieux qu’il se pouvait le corps de l’enfant, même sommairement. Et peut-être y ajouta-t-il une protection pour ses mains lorsqu’il couperait les buissons destinés à le recouvrir.

Sans doute venait-il de revenir depuis la voiture à pied jusqu’au talus, et peut-être avait-il pris quelques instants pour arranger quelques branchages et masquer son forfait, et reprenait-il son sac avec l’intention de l’enfouir dans le tunnel isolé au cœur du domaine de la champignonnière qu’il connaissait assurément.

Il était 12h 30 lorsqu’il entendit une voiture s’arrêter en contrebas sur la route, peut-être une dizaine ou une vingtaine de mètres plus bas que l’aplomb du talus par où Marie-Dolorès avait tenté de s’échapper. Lire la Suite

40 La vérité suspendue…

L‘on doit à Gilles Perrault la relation minutieuse par quoi se démêla l’erreur judiciaire dont Christian Ranucci fut la victime, décapité sur l’autel d’un ordre par dessus tout imbu dans l’abîme par sa puissance et son impunité.

Or, il demeurait un mystère subtil dans la mesure de ce qui s’était noué ce jour du 3 juin 1974, au carrefour de la Pomme et dans les bois de Peypin.

Et si nous écoutons ce qu’il en exprime, il faudrait se résoudre à ne rien connaître de ce qui s’était véritablement passé le 3 juin à 13 heures au Carrefour de la Pomme et sur la route de Peypin faute de pouvoir disposer d’indices en quantité suffisante pour en restituer la trame  et l’innocence ne s’imposerait que de l’avanie des charges d’accusation comme nous avons montré qu’elles résultent toutes d’une manipulation ou d’un raccommodage.

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32 La vérité apparue de cet empressement même…

Tandis que Christian Ranucci se trouve en garde-à-vue à Marseille, le 6 juin 1974 au matin, les trois policiers venus perquisitionner à dix heures et demi le logement niçois de Mme Mathon, lui délivrent une injonction inattendue  et la prient de bien vouloir les suivre jusqu’à l’Évêché car, affirment-ils, sa présence est requise. Mme Mathon accroche un mot sur la porte de son appartement afin d’avertir de son absence impromptue les parents des enfants qu’elle garde. Elle prend volontiers la route attachée à cette ferveur qu’elle y voit l’aubaine de pouvoir se rapprocher de son fils…

Quelle raison la police avait-elle de faire venir si vite Héloïse Mathon ? Pour quel motif inavoué faisait-elle preuve d’une si grande précipitation ? Tandis qu’à 17 heures l’accusé vient d’avouer tant de choses et l’endroit où il aurait caché l’arme du crime, l’on va entreprendre de la faire rechercher par les gendarmes en dehors de sa présence.

À cet instant même le Commissaire Alessandra prend soin de recevoir sa mère avec une grande sollicitude. Il lui permet de voir son fils – ecce Mater tua, ecce Filius tuus – le temps de quelques secondes ; il ne faudrait pas que le jeune homme en parlant librement avec elle retrouve l’esprit. Elle est saisie par son œil qui saigne, que n’apercevra pas le Docteur François Vuillet sans doute beaucoup moins attentionné, saisie par ce regard halluciné, comme si son enfant venait de rejoindre un sombre lointain où l’on dérive par le mélange des images et des pensées.

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31 Exécuter un homme pour avoir méconnu l’existence d’un faux en écriture, cependant que l’Institution judiciaire n’y voit rien à redire, sur quoi elle fonde après tout sa propre barbarie

Que vaudrait une preuve matérielle si elle se détachait de son propre contexte, si l’on tentait de la faire apparaître comme une immanence survenue sans aucune autre origine que l’accusation qu’elle supporte ? Personne en réalité n’avait jamais vu Christian Ranucci en possession d’un couteau à cran d’arrêt, et cette arme ressemblait bien peu à ce jeune homme timide et posé. Lorsqu’il était appelé du contingent, et qu’il résidait en Allemagne, on achetait des couteaux Opinel pour subvenir à sa propre survie lors des bivouacs, lors des campagnes, non pas cette arme à ouverture automatique.

Et quel entêtement, pouvait-on contempler il y a quelques années, de ceux qui s’obstinaient à masquer l’erreur judiciaire venue s’interposer de nos jours à notre esprit dans toute sa cruauté, maintenant que la peine de mort n’a plus droit de paraître dans le code pénal. On rechercha d’anciens appelés, pour tenter de leur arracher un souvenir qui aurait pu laisser croire que ce couteau était depuis longtemps en sa possession, des paroles de gardiens de prison dont on oubliait de citer les noms, de sorte que l’on ne pouvait véritablement savoir s’il s’agissait de rêveries, ou de la déformation d’une réalité. Lire la Suite

30 L’arme du crime dissimulée une seconde fois le 6 juin ? ou la preuve controuvée… (fin)

Lors de la reconstitution conduite par le juge d’instruction, celle-ci situe l’emplacement du couteau au Nord-Ouest, tandis que les gendarmes l’ont trouvé au Nord-Est, ce qui démontre que Christian Ranucci n’a jamais su où cette arme était cachée en vérité…

Le procès-verbal qui rend compte de la reconstitution effectuée par Mme Di Marino le 24 juin 1974 énonce que Christian Ranucci aurait indiqué l’endroit où il s’était débarrassé du couteau :

« Nous nous sommes enfin rendus à la champignonnière. Ranucci a reconnu l’endroit situé à quelques mètres de l’entrée de cette champignonnière où il avait enfoui le couteau, arme du crime, dans un tas de fumier.« 

Le juge d’instruction, tandis que l’inculpé risque la peine capitale, ne s’embarrasse pas de précisions inutiles, cependant qu’il eût été préférable que Christian Ranucci indiquât l’endroit avant que le couteau ne fût déterré. Il semble que cela s’avérait si simple, à lire le compte rendu de la reconstitution…

Après coup, la force probante d’une telle reconnaissance s’en trouve profondément amoindrie et sa valeur anéantie. Cependant, l’indication n’est pas seulement imprécise, elle est entachée d’erreur… L’endroit où le rapport technique établi par la gendarmerie situe le lieu de sa découverte se trouve à une bonne cinquantaine de mètres de l’entrée du tunnel, non pas à « quelques mètres ». L’incohérence entre le point indiqué, même vaguement, par Christian Ranucci « à quelques mètres de l’entrée du tunnel » et le point déterminé par les gendarmes – or donc 50 mètres plus loin –  est bien trop flagrante pour ne pas être significative.

Ce qui laisse apercevoir que l’on s’est contenté de poser une question vague à Christian Ranucci et qu’il n’a rien reconnu de précis et de fait l’on peut en déduire qu’il ne connaissait en aucun cas l’endroit où les gendarmes avaient trouvé l’arme du crime. Plus encore, il semble que le juge d’instruction non plus n’ait pas lu le dossier et ne se soit pas rendu compte de la méprise. Lire la Suite

29 L’arme du crime trouvée le 5 juin et cachée de nouveau le lendemain ? ou la preuve controuvée… (suite)

Le 6 juin dans la matinée, les policiers sont entrés en possession de 5 scellés, dont le pull rouge, plus tard sans doute des deux moulages de roues. Et lorsqu’ils ont donné à essayer ce vêtement à Christian Ranucci, ils se sont aperçu qu’il n’était pas à sa taille et ne lui appartenait pas. Ce qu’ils ont entériné comme un fait établi.

Invoquons l’espace d’un instant cette hypothèse au prime abord inconcevable, que le couteau à cran d’arrêt, trouvé dans la tourbe amassée à l’entrée du tunnel ait été en leur possession et qu’il soit venu à leur réflexion l’intention de le présenter à Christian Ranucci. Celui-ci avait beau jeu de dire que le couteau lui était inconnu, tout comme le pull. Lire la Suite