CLOUER UN HOMME AU PILORI, SANS ENQUÊTE, SANS ÉLÉMENTS

[1] Les noms et prénoms ont été modifiés

« Récidiviste, accusé d’agression sexuelle sur mineur » « le violeur récidiviste refait parler de lui », les titres qui égrènent l’ensemble des journaux nationaux ou régionaux en ce 10 août 2014, ne laissent place à aucune forme de doute. Luc Tangorre est voué à vindicte publique, condamné avant même d’avoir été jugé.

Et cette sorte de fer rouge brûlant que le parquet de Nîmes brandit avec la splendeur d’une ostentation exerce toute puissance, car la blessure qu’il inflige ne peut se dissimuler sous un vêtement, elle vous désigne perpétuellement nu à la vengeance, à la haine avant que l’effet ne vienne se démultiplier par la voie d’internet et se répandre dans l’azur du moment.

L’image de Luc Tangorre portant des menottes, que l’on estompe par du flou pour faire semblant de respecter les textes de loi que l’on viole par l’utilisation du flou même, selon la plus belle hypocrisie, est accessible sur tous sites d’actualités durant de longues semaines, de longs mois, égrenant au-dessous les commentaires assurés du bon peuple venu prétendre qu’il n’a jamais pêché et jettera la première pierre.

Mais qu’en est-il en vérité de cette accusation ? Que masque-t-elle ? Qui la fomente et pour quelles fins ?   

Si l’on en croit Mme la Procureur, tout est simple, M. Tangorre est accusé d’avoir agressé une fillette dans un labyrinthe formé de boudins gonflables sur une plage du Midi, au Grau-du-Roi plus précisément. Certes il nie les faits, cependant, ainsi font les coupables qui pratiquent le déni.

D’ailleurs n’a-t-il pas été condamné il y a longtemps, par deux fois !

On rappelle il est vrai que le Président Mitterrand a gracié Luc Tangorre partiellement, ce qui signifie que la condamnation en cause avait été arrachée dans de douteuses circonstances. À moins que le Président de la République de l’époque ne fût un irresponsable.

Finalement, c’est bien ce que le Parquet de Nîmes se force à croire, sinon avant même de jeter Luc Tangorre à la pâture de la presse, solliciterait-il un minimum de retenue, de prudence.

Peut-être a-t-il reçu l’aval du Parquet général de la Cour de cassation lui-même, car l’accusation jaillit dans tous les médias simultanément dans un concert parfait, au hasard des pages du Parisien, d’Ouest-France, de l’Indépendant, du Figaro, de France 2 ou de France 3, RTL, France Inter, Radio bleue, il s’en décline des dizaines.

Toutes dupliquent consciencieusement et pareillement l’information dans des termes rigoureusement les mêmes, ceux que leur dicte la dépêche de l’Agence France-Presse, qu’ils ressassent de toute leur morgue sans même vérifier quoi qu’il soit de la teneur de cette accablante nouvelle : M. Tangorre a récidivé.

Et le soupçon même est présenté comme une preuve.

Cependant, la dépêche AFP ne détaille pas le dossier, le Procureur Mme Beccuau s’est préservée de soulever les détails, le passé de l’accusé suffit à requérir son incarcération affirme-t-elle, tempérant cependant qu’il ne s’agit plus d’une affaire criminelle et que l’on évoque simplement des « attouchements ».

« PRINCELAND »

Ils sont trois enfants qui entourent M. Tangorre au milieu de l’après-midi de ce dimanche 10 août, alors qu’il se rend sur la plage du Grau-du-Roi. Il est chargé de la garde de sa fille, Élise, mais aussi de celle de Cyrielle et de Florian que des voisins et amis lui ont confiés pour la journée.

Un agresseur d’enfant ne s’embarrasserait pas de sa progéniture pour agir, moins encore s’encombrerait-il de la garde de ceux dont il n’est pas le père. L’on se sent une responsabilité spéciale à s’occuper de gamins qui ne sont pas les siens, elle vous absorbe.

En arrière de l’eau, tout à côté du Commissariat, la firme Lefebvre-Utile parraine un enclos dénommé Princeland où sont installés d’éphémères jeux de plage, un taureau, une poutre, un jeu de basket, un trempoline… L’entrée se couronne d’une enseigne magistrale au Prince de LU. Que n’édifierait-on pas pour vendre des gâteaux industriels en prenant pour cible les estivants ?

M. Tangorre interroge les enfants, souhaitent-ils se baigner d’abord, ou bien visiter le domaine de ce Monarque publicitaire ?

L’enclos mystérieux recueille leurs voix unanimes. Ainsi donc à leur désir, après une longue attente pour s’inscrire, ils découvrent la cour de son château de sable. À gauche, Florian choisit  le trampoline. Élise et Cyrielle préfèrent se diriger vers la droite, attirées par un labyrinthe bleu, fait de boudins gonflables dont la hauteur respectable dépasse la vue d’un enfant suffisamment pour qu’il éprouve à l’intérieur le sentiment de claustration.

LE PÉDOPHILE IMAGINAIRE

Luc Tangorre se place à l’entrée, il entre brièvement deux ou trois fois, tente de se retrouver parmi tous ces embranchements sans voir sa fille, puis ressort aussitôt afin de ne jamais perdre des yeux le petit garçon à l’autre bout.

Il est 15h50.

Élise circule entre les murs bleus en criant, en jouant à se faire peur comme font les petites filles de son âge, ainsi Danaelle qu’elle croise au détour d’un angle. Elles ne se connaissent pas, c’est la première fois qu’elles jouent ensemble, à inventer des fables, de celles qui commencent par : « On dirait que… ».

Élise Tangorre, prise par le tournis de ces couloirs imposants, se laisse traverser par une idée sotte comme il en naît dans l’effervescence d’un univers dont la mesure ne se reconnaît pas. Elle inventera l’intrigue qu’elle est surprise par un agresseur sournois qui se dissimule dans l’un des recoins. Elle s’en ouvre à Danaelle. C’est pour rire, mais elles jouent comme au théâtre, criant tour à tour avec conviction qu’un vilain bonhomme les poursuit et s’en prend aux enfants.

À l’officier de police judiciaire qui l’interroge, Élise Tangorre déclare le 23 octobre 2014 : « Madame, (Élise se met à pleurer). Je n’ai pas rapporté aux gendarmes que c’était moi la première qui avait dit qu’il y avait un violeur dans le labyrinthe. Je suis la première à l’avoir dit mais c’était pour rigoler. Je n’ai pas dit aux gendarmes non plus qu’une autre fille que je ne connais pas [il s’agit de Danaelle] a repris : « moi aussi je vais le dire », elle voulait rigoler aussi. »

Les appels parviennent au-dehors et Luc Tangorre pénètre précipitamment dans la structure gonflable à la recherche de son enfant et s’égare bientôt sans même l’apercevoir, tandis que tout s’enflamme et que se répand la rumeur le long des parois de plastique bleu.

Une monitrice venue sur les lieux aussitôt lui demande de bien vouloir sortir avant de comprendre qu’il parle d’Élise, sa fille que cette jeune femme vient de surprendre alors qu’elle pleurait.

Élise Tangorre et Danaelle se sont échappées par l’autre sortie et se postent à l’entrée, comme pour mesurer si leur chimère soudain allait prendre corps :

« Toutes les deux nous avons attendu devant le labyrinthe que quelqu’un sorte et la fille a dit : « c’est lui » en montrant du doigt mon père mais elle l’a dit en rigolant.

Moi je lui ai répondu : « non ce n’est pas lui ». Après la fille est partie, sans savoir que c’était mon papa. Rien ne s’est passé dans ce jeu, rien. La fille était plus grande que moi. C’était une blague. – »

Avant qu’ils ne partent, Luc Tangorre s’est adressé au père de Danaelle en lui expliquant que la victime est sa propre fille. Lors le père interroge rudement Danaelle : « Ce serait donc cet homme ? » Celle-ci hésite : « Je ne sais pas. ».

Alors le père assène : « Quand on ne sait pas, on n’accuse pas ! ». Et c’est ainsi qu’il se détourne en haussant les épaules.

La monitrice arpente les couloirs bleus : « au milieu de plusieurs parents qui, malheureusement, cherchent leurs enfants ».

Revenue à l’entrée, elle se hisse sur une chaise pour dominer l’enchevêtrement des boudins de plastique et clamer aux visiteurs de bien vouloir quitter les lieux. Plusieurs personnes l’entourent, dont Élise qui lui répète, pour tenter de détourner son mensonge : « qu’elle a été victime d’attouchements sur sa poitrine par un monsieur, mais qu’elle ne l’a pas vu. »

Il est 16 h 05.

Sa fille n’ayant osé alors lui dire la vérité sur ce pédophile sorti de son imagination, Luc Tangorre pénètre de nouveau dans le labyrinthe pour en avoir le cœur net, et remontant les allées jusqu’au moindre recoin ne croise nul agresseur bien sûr…

COMMENT LE JEU S’EST MUÉ EN ACCUSATION ENVERS DES FAITS IMAGINAIRES

Une mère, Mme Baudry-Leroux, a suivi la scène, se tenant en retrait auprès de sa fille, Fanélie. Son frère François l’accompagne, et l’animatrice se souvient que cette maman, qui était à côté d’elle : « désigne l’auteur des faits, sur les dires de sa fille » suppose-t-elle et le montre du doigt : « mais elle ne lui dit pas la réelle nature des attouchements ».

Élise Tangorre, qui a tout entendu, rejoint son père en coup de vent au sortir du labyrinthe, et cette fois ses pleurs ne sont plus simulés : « Papa, ils sont fous, le père [en fait il s’agit de l’oncle] de la fille [Elle confond Fanélie avec Danaelle] croit encore que c’est toi le pédophile ».

M. Baudry-Leroux en effet a repris les affirmations de sa sœur et vient s’en entretenir avec un autre animateur Romain, lequel vient chercher Luc Tangorre et le confronter avec se accusateurs. Une altercation éclate entre eux, cet homme menace Luc Tangorre, qui en vient à perdre ses nerfs : n’est-ce pas à sa propre enfant que l’on venait de s’en prendre ?

Pour sa part, François Baudry-Leroux invoque sa nièce, car c’est bien Fanélie qui se plaint maintenant d’avoir été agressée par un monsieur dont elle affirme qu’il n’est autre que Luc Tangorre.

Les deux hommes en viendraient aux mains si des moniteurs du jeu et des parents ne les avaient séparés. Cependant Mme Baudry-Leroux persiste puisqu’elle a soufflé peu avant à la monitrice que : « deux jours avant, pendant une sorte de concert ou un spectacle, je ne sais pas, ce monsieur en question s’était collé à elle-même et qu’elle le reconnaît.»

M. Delpierre , le père de Danaelle aperçoit la même chose : « Ensuite, tout cela est plus ou moins flou pour moi, je sais qu’une petite fille (Fanélie) qui était accompagnée de sa maman (Mme Baudry-Leroux) et je crois du frère de la maman (François Baudry-Leroux), a désigné à nouveau ce monsieur comme étant l’auteur des faits, le même que celui que ma fille m’avait montré.

Cette maman, son frère et cette petite fille restaient en retrait, ils discutaient avec les animateurs et je me souviens que cette maman a dit qu’elle reconnaissait ce monsieur car il s’était frotté contre elle alors qu’elle assistait à un concert au Grau du Roi. ».

Florian n’est pas content, il tire Luc par la manche car il voudrait se rendre au stand des photographies et « avoir ses cadeaux comme les filles ». Son caprice est à ce point insistant, que Luc finit par céder.

Il est 16 h 20 environ, lorsqu’il quitte le royaume du Prince pour retourner à son parasol, à quelques dizaines de mètres du commissariat. Il demande au préalable aux filles d’observer la plage et ses abords afin d’identifier l’agresseur s’il réapparaissait, mais surtout de rester vigilantes.

La baignade touche à son terme. Les enfants ont soif.

Il est environ 16 h 50.

Ils réclament de quoi se désaltérer, ainsi que la glace qui leur a été promise avant de partir pour la plage. C’est précisément ce que Luc s’apprêtait à leur proposer, comme prétexte idéal pour se rapprocher de sa voiture et téléphoner à sa compagne comme il souhaitait le faire une demi-heure plus tôt afin d’envisager de porter plainte.

Florian est trop petit pour rester seul sans surveillance au bord de la mer. Luc Tangorre le prend avec lui, laissant les filles se sécher devant le poste de police.

Lorsqu’il regagne son véhicule en repassant à proximité du jeu. Alors qu’il ouvre la portière, il aperçoit deux gendarmes venir à sa rencontre :

­– Vous tombez à pic, j’allais téléphoner à ma femme, je voulais justement vous voir car on a agressé ma fille.

– Vous étiez au jeu Princeland ?

– Il y a trois quarts d’heure, oui.

– Suivez-nous, s’il vous plaît.

Mme Baudry-Leroux, au nom de sa fille, vient de porter plainte contre Luc Tangorre.

Mme Baudry-Leroux ne sait pas en effet que la fille de M. Tangorre a inventé cette histoire de pédophile circulant dans les allées du labyrinthe, que son amie de rencontre Danaelle Delpierre lui a fait écho et que c’est « pour rire » qu’elle a pointé du doigt M. Tangorre.

Et toute l’invention de Fanélie se fonde sur cette méprise. Or si la fille de M. Tangorre jouait, et Danaelle pareillement, la troisième invente aussi, mais le malheur, c’est qu’elle porte ses accusations le plus sérieusement du monde.

Fanélie BARANGER ne peut pas avoir croisé Luc TANGORRE dans le labyrinthe car il ne s’y trouve pas quand elle y rentre.

Lors du dépôt de plainte initié par sa mère, une heure après les faits, la petite Fanélie déclare : « Cet après-midi, je suis allé aux aires de jeux installées sur la plage du Grau du Roi (Gard), situées après le manège. Je suis rentrée dans le labyrinthe gonflable, afin de m’amuser avec mes cousins et cousines.

Lorsque je suis rentrée dans ce jeu, j’ai senti qu’un individu me bloquait tout en me frottant. Je suis sortie pour prévenir ma mère, et quand une fille est sortie (Élise Tangorre), on l’a prévenue qu’un homme s’était frotté à moi et qu’il fallait faire attention.

En sortant de ce jeu, j’ai vu cette fille parler avec l’individu qui m’avait frotté. J’ai su ensuite que c’était son père, car elle l’appelait papa.

Ensuite, on a prévenu les dames qui s’occupaient des jeux en leur disant qu’elles fassent sortir les enfants du labyrinthe.

Quelques minutes après, j’ai appris qu’une autre petite fille [Danaelle] s’était faite frotter aussi, par le même individu. Les parents de cette petite fille sont partis ensuite et ma mère a appelé la gendarmerie. »

Fanélie prétend avoir prévenu Élise Tangorre. C’est impossible, sinon Élise lui aurait révélé la supercherie.

La dame qui s’occupe des jeux précise bien que c’est Élise qui donne l’alerte, non pas Fanélie, tandis que Fanélie ayant vu Danaelle accuser M. Tangorre ne peut s’imaginer qu’il ne s’agissait que d’un jeu.

Mme Baudry-Leroux sa mère rétablit l’ordre des faits devant le juge Debuire : « Moi ce dont je me rappelle, c’est qu’il y a des petites filles qui ont dit qu’il y avait un monsieur qui touchait tout le monde dans le labyrinthe. Après, moi je suis allée avertir le centre d’animation. »

L’expression est curieuse car Mme Baudry-Leroux ne parle plus de sa fille. Elle évoque les deux petites filles qui ont inventé un agresseur imaginaire. Et les prend au sérieux !

Lors de ce dépôt de plainte, Fanélie prétend être entrée dans le labyrinthe et que M. Tangorre s’y serait trouvée et l’aurait « bloquée » et « frottée ». Cependant lorsqu’elle sort, il se trouve déjà dehors et converse avec sa fille. Il ne peut pas être dedans et dehors à la fois. Fanélie se contredit dans deux phrases qui se suivent.

En réalité, Fanélie se trouve à l’extérieur, à côté de sa mère, et observe d’une part Élise Tangorre s’entretenir avec son père, et d’autre part Danaelle l’accuser, jusqu’à ce que le père de Danaelle s’interpose et lui fasse reconnaître qu’elle n’est témoin de rien. C’est ce que M. Delpierre confirme, il voit bien trois personnes converser avec les animateurs.

Par la suite, M. Tangorre retourne dans le labyrinthe à la recherche du pédophile fantôme, cependant, il est fort peu probable qu’ayant surpris de telles accusations, Fanélie vienne s’y risquer, d’autant qu’elle prétend déjà le connaître et qu’il l’aurait déjà frotté lors d’un concert !

Ainsi donc Fanélie n’a jamais pu se trouver avec M. Tangorre en même temps dans le labyrinthe. L’accusation ne tient pas.

Une cascade de contradictions, et de réalités successives tout aussi imaginaires

Mme Baudry-Leroux précise à l’animatrice qu’elle a croisé M. Tangorre, seul, deux jours avant dans un concert. Elle change de version lors de ses dépositions : cette fois c’était en juillet, le long de la jetée, près du phare : « je suis sure que c’était mi-juillet. » ; mais elle ne se souvient pas du nom du disc-jockey.

M. Tangorre précise qu’il n’a assisté à qu’à un seul concert cet été-là, celui sur Jean-Jacques Goldmann, mais il n’était pas seul, et le concert se déroulait en août (le 7 août en réalité, il s’agit du groupe « sortie de secours » ). La date pourrait correspondre à un jour près, avec les deux jours d’avant qu’évoque Mme Baudry-Leroux, cependant, le concert se tenait sur la plage à 500 mètres, à l’opposé du phare.

Par la suite, Fanélie se souvient qu’il s’agit effectivement du concert de Jean-Jacques Goldman, qu’elle en est sûre car elle a des vidéos. Les vidéos en question n’apparaîtront bien sûr jamais.

Mme Baudry-Leroux prétend qu’un couple l’a entendue parler et que ces personnes lui ont affirmé que leurs enfants aussi avait été touchés, elle communique un numéro de portable censé leur appartenir : il n’est pas attribué.

Lors de l’instruction, Fanélie prétend cette fois que sa cousine également, la fille de M. François Baudry-Leroux, a été agressée elle-aussi par Luc Tangorre.  Elle prétend l’avoir signalé aux gendarmes. Ils auraient oublié de le consigner…

La cousine pour sa part ne se souvient de rien et ne se plaint de rien, pas plus M. Baudry-Leroux qui ne semble pas même en avoir été informé…

Fanélie fait des déclarations lors d’une émission de télévision de grande écoute intitulée « 7 à 8 » : « il a commencé à me pousser, à se frotter contre moi et à me toucher, il était torse nu. »

Lorsqu’elle fait une description aux gendarmes une heure après les faits, il est pourtant habillé autrement : « Fanélie nous déclare que, dans le jeu, un homme s’est frotté à elle, il est vêtu d’un tee-shirt noir avec des inscriptions jaunes, un short noir. »

Le reste est à l’avenant.

Une plaisanterie de mauvais goût et 4 affabulatrices présumées…

Si l’inconséquence et l’incompétence portaient un nom de journal, elles s’appelleraient le « Nouveau Détective » …

M. Baudry-Leroux déclare au juge que ce sont les gendarmes qui lui ont révélé l’identité de Luc Tangorre, cependant il pourrait apparaître qu’Estelle Baudry-Leroux sa sœur ou bien lui-même aient aperçu un article paru dans le hors-série du mois de juillet 2014 du « Nouveau Détective » consacré au tueur en série Yvan Keller.

Quelques jours avant les faits, des estivants interpellent Luc Tangorre car ils ont remarqué que sa photographie figurait au beau milieu de l’article. C’est une méprise et Luc leur fait remarquer qu’Yvan Keller est décédé depuis des années. Cependant il n’en faut pas plus pour que l’un d’eux lui fasse remarquer que son visage est pourtant connu et qu’il a été condamné pour viol. C’est ainsi que la rumeur s’est répandu et que l’on s’est mis à le montrer du doigt.

Les gendarmes dressent un procès-verbal pour faire comme si cet incident n’avait pas d’existence, cependant qu’ils ne peuvent pas nier, pas plus que le Parquet de Nîmes, que la photographie de Luc Tangorre figure bien au beau milieu du numéro du Nouveau Détective alors qu’elle est sans rapport avec le contenu de l’article.

Fanélie affabule tout simplement parce que l’accusation première n’est qu’une fable.

On demande à M. Baudry-Leroux si sa nièce pourrait inventer toute cette histoire, il répond : « Non, je ne pense pas. D’ailleurs il y a eu plusieurs petites filles qui se sont plaintes en même temps donc je ne pense pas que Fanélie ai pu inventer cette histoire. ».

Malheureusement, les deux petites filles, Élise Tangorre et Danaelle, qui se sont plaintes – et il n’y  en avait pas d’autres –, avaient pour leur part inventé toute cette histoire…

Comment l’accusation s’y prend-t-elle pour faire tenir ce dossier improbable ? Elle occulte une partie des faits, elle feint d’ignorer que tout a commencé par une plaisanterie idiote de deux gamines.

Elle fait comme si elle n’avait pas entendu qu’Élise Tangorre a inventé un pédophile qui n’existait pas et que ce qui en découle ne peut constituer qu’une affabulation : cinq ans d’instruction, cinq juges d’instruction qui se succèdent sous l’aimable regard du Parquet pour n’aboutir à rien de plus.

Ce sont tout de même de drôles de méthodes.

Une affabulation en engendre d’autres

L’affaire de Nîmes voudrait rééditer celle d’Outreau. Voilà bien une excellente idée si l’on souhaitait redorer le blason de la magistrature française…

Ce battage médiatique outrancier, la photo publiée dans les quotidiens nationaux avec le mot « violeur récidiviste » écrit en gros titre, ne pouvaient manquer de susciter des vocations.

Il se trouve deux sœurs, parties du Grau du Roi pour les plages d’Espagne, Camille et Stéphanie.

Elles ignorent ce dont les journaux ne parlent jamais, que l’accusation portée contre Luc Tangorre repose sur les fantaisies de sa propre fille.

Le fait que la plainte résulte de l’article de journal : « Je suis venue déclarer les faits car Camille a vu un article de presse et a parfaitement reconnu l’individu qui m’avait embêté. » et soit le ricochet de la diffusion effrénée de la dépêche d’agence, et non pas d’une réaction spontanée, laisse flotter beaucoup d’incertitude sur la réalité de ce qu’elles lui reprochent.

Stéphanie déclare remarquer dans le Parisien un article tandis que la photo récente de M. Tangorre se décline sur de nombreux sites d’actualité. Que valent donc les reconnaissances sur photographie organisées par les enquêteurs ? Intrinsèquement, strictement rien.

Il ne leur en faut pas plus pour bâtir un scénario. Cela serait survenu au mois de juillet dans une boutique au centre du Grau du Roi consacrée à des jeux électroniques « le Circus ». Cet endroit est empli d’une foule de curieux, surveillé par une ribambelle de caméras.

La plainte est bien tardive, les vidéos de surveillance sont effacées, impossible de vérifier leurs dires.

Un pédophile si discret qu’on ne s’aperçoit pas de ses gestes…

Elles sont deux, l’une a vingt ans, l’autre quinze. Voici un lieu et une situation que n’importe quel pédophile fuirait. Une adolescente accompagnée, nécessairement va résister et appeler sa sœur au secours. Comme il y a du monde tout autour, le scandale éclatera à nul doute faisant fondre sur lui la honte la plus insupportable.

Finalement cela suppose que M. Tangorre soit un fieffé imbécile. Et par fait étrange, s’il s’agit d’un fantasme, il ne se manifeste qu’à cet endroit, lorsque la presse se répand en affirmations péremptoires.

Or donc, pour que le scénario ait quelque chance de garder un peu de vraisemblance, est-il nécessaire que les gestes attribués à Luc Tangorre soient furtifs au point que l’on ne s’en aperçoive pas :

« Ma sœur m’a alors dit que le Monsieur était collé à elle pendant le jeu et qu’il lui avait caressé la cuisse. Je crois qu’elle ne s’est pas rendue compte tout de suite de ce qu’il s’était passé. Moi je n’ai rien vu. On était toutes les deux concentrées sur notre partie et on s’amusait bien. »

Les deux sœurs disent chevaucher des motos l’une à côté de l’autre et la plus petite rapporte que l’homme s’est approché une deuxième fois, plaquant son ventre contre sa hanche, (lors de l’émission de télévision 7 à 8, sa version change, cette fois il touche sa cuisse avec son mollet ou sa cheville…) et qu’elle s’est alors retournée brusquement. Comment est-il possible que sa sœur n’ait pas remarqué une telle privauté au point d’asséner qu’elle n’a rien vu, sans jamais être appelée à sa rescousse ?

Il convient aussi que ces gestes, qu’on ne perçoit pas, soient sans conséquence, sinon l’on ne comprendrait pas pourquoi elles se sont contentés de crier – mais sans se faire entendre – et se sont abstenues d’en parler, d’aller déposer une plainte ou même une main courante, tandis que le Commissariat se trouve à 80 mètres.

La grande sœur âgée de vingt ans, qu’à ses dires M.  Tangorre n’aurait pas approchée, était en pleine possession de ses moyens pour le faire…

L’on peut échafauder aisément que les deux sœurs se sont concertées sur quelques éléments, le lieu, les gestes. Mais puisqu’elles sont interrogées séparément et que l’intrigue ne semble pas avoir été parachevée dans ses détails, alors le récit diverge. C’est là le signe que leurs accusations relèvent de l’invention à laquelle nul élément matériel est susceptible de donner la moindre consistance.

Vendredi ou samedi ou encore dimanche ?

Question : « Pouvez-vous nous donner un créneau horaire précis ? »

Réponse : « Entre 18 heures et 18 heures 30, le vendredi 18 juillet 2014. ».

Question à la sœur : « Êtes-vous sorties régulièrement le soir avec votre sœur avant de voir l’individu et au cours des jours qui ont suivis cette rencontre ? »

Réponse:  « Oui nous sommes sortis le vendredi, le samedi et je ne sais plus si les faits étaient le samedi ou le dimanche. »

Pantacourt ou pantalon ?

L’une des sœurs : « Il était vêtu en « vacancier» c’est à dire pantacourt, tee-shirt. »

L’autre sœur : « Concernant sa tenue vestimentaire, il avait un tee-shirt neutre (pas de couleur « flahsie » ou gaie, pas d’inscription), je ne me souviens plus la couleur précise. Il avait un pantalon long, mais pas serré. ».

L’incrimination est si vague et douée de si peu de cohérence que le juge d’instruction Debuire se gardera de mettre Luc Tangorre en examen au vu d’un tel dossier. Qu’importe, le Parquet attendra sa mutation 27 mois pour revenir à la charge auprès d’un magistrat d’un meilleur tempérament, un juge d’instruction qui se comporte cette fois comme un deuxième procureur comme il s’en rencontre le plus souvent.

Les premières accusations sont chancelantes ? Qu’à cela ne tienne, ajoutons en une, un an plus tard …

Le premier dossier ne tient pas qui se déploie à partir d’une fantaisie de gamines prises de pensées sulfureuses autant qu’irréelles, répercutées par une troisième qui n’entend pas qu’il s’est agi d’une plaisanterie de mauvais goût.

Le deuxième dossier ne repose que sur le premier et sur des allégations sans matérialité aucune, mieux encore, dont la cohérence fait défaut. Sans doute un président, même particulièrement amène envers l’institution judiciaire, serait bien en peine d’apporter une cause de condamnation qui ne soit pas risible.

Alors convenait-il d’en ajouter une troisième avec le sous-entendu qu’au bout du compte, l’opinion publique finirait par admettre qu’il y glissait anguille sous roche, en oubliant que la cause première qui fonde toutes les autres est une blague d’une gamine de onze ans.

Un an plus tard, une adolescente dénommée Floriane porte plainte et prétend avoir sympathisé avec la propre fille de Luc Tangorre. La rencontre, sur plusieurs années à ce qu’il paraîtrait, fut sans doute brève car Floriane ne passe qu’une semaine de vacances au Grau du Roi lorsque les faits seraient survenus…

Pourtant Élise Tangorre ne connaît pas Floriane, et ne l’a jamais vue :

Question : « Connais-tu la jeune fille représentée sur les photos que je te présente ? »

Réponse : « Franchement, ça ne me dit rien. »

Question : « Est-ce que ton papa était présent quand tu jouais avec les copines sur la plage ou au jeux ? »

Réponse : « Ben non. J’allais jouer avec mes copines. Il ne les connaissait pas ni rien. »

Question : « Te souviens-tu que Floriane, c’est le prénom de la petite fille qu’il y a sur les photos, t’aurait avoué que Luc lui aurait dit « je t’aime » et qu’il t’aurait grondée parce que tu le lui aurait répété ? »

Réponse : « Franchement non. C’est n’importe quoi. »

Et ce qui corrobore la version d’Élise, c’est que Floriane est incapable de rapporter une seule anecdote de leurs conversations. Or les petites filles se font des confidences, elles évoquent des secrets connus d’elles seules, une scène particulière, une image qu’elles ont retenue, une tournure de phrase, une dispute passagère. Viendrait apparaître un seul de ces détails dans la procédure, et l’accusation serait à même de s’étayer.

Le juge d’instruction refuse la demande de M. Tangorre que les deux enfants soient confrontées, c’est reconnaître que les déclarations de l’accusatrice ne sont très probablement que des mensonges

Puisque Luc Tangorre est mis en examen, c’est que l’on accorde quelque crédit à ce que raconte Florianne, et que l’on suppose qu’Elise Tangorre ment pour protéger son père en affirmant qu’elle ne la connaît pas. Cependant si Luc Tangorre était coupable, il se garderait bien de formuler une telle demande. En effet, il ne serait pas difficile à l’accusatrice d’exhumer le détail de leur amitié et de confondre à la fois la fille et le père.

En invoquant pour motif de sa décision de refuser toute confrontation, le fait qu’Elise Tangorre ne reconnaît pas l’accusatrice comme l’une de ses connaissances et qu’une telle mise en présence serait donc inutile, le juge d’instruction constate que les incriminations de Florianne sont des mensonges éhontés, sans en tirer les conclusions qui s’imposeraient.

Le juge d’instruction laisse paraître au travers de ses actes d’instruction – refuser une confrontation alors que le mis en examen encourt 7 ans de prison – qu’il a conscience que l’orientation de ses investigations, ou de leur absence, constitue le vecteur d’une erreur judiciaire de première grandeur.

C’est cela une justice totalitaire : d’avoir conscience d’être dans l’erreur et d’imposer l’erreur par la force, contre le droit et contre la vérité.

Et pour bien connaître le dossier, le juge n’a pas manqué de constater que les déclarations de Floriane ou ses parents se limitent à ce qui figure déjà dedans. Sans doute y ont-ils eu accès, malgré le secret de l’instruction lors de leurs séjours au Grau du Roi. Ils rapportent par exemple que Luc Tangorre travaillait dans les pompes funèbres, ce détail est mentionné en bonne place dans les pièces de procédure.

Ils font semblant de ne pas connaître son nom, ils font semblant de ne jamais avoir vu les multiples photos qui tapissent les pages internet d’actualité, afin de faire croire que sa reconnaissance sur photo résulte de l’enquête.

Pourtant, aussitôt que leur fille aurait révélé un soir avoir été agressée par un pédophile au Grau du Roi comme ils le rapportent aux gendarmes, il leur aurait suffi de taper les mots « Pédophile » et « Grau du Roi » sur un site de recherche pour que l’identité de Luc Tangorre apparaisse dès la première page, avec sa photo.

Le montage de leur accusation est donc plus que perceptible et la reconnaissance sur photographie n’a pas plus de sens.

Il est surprenant que, tandis que M. Tangorre montrerait son sexe à l’enfant, selon ses dires, Élise soit présente. M. Tangorre lui demanderait de se tourner. Pour qui connaît Élise, ce n’est pas le genre à obéir à de telles injonctions et permettre à son père de s’immiscer dans ses relations amicales. Il est d’ailleurs trop respectueux de sa fille pour se le permettre.

Luc TANGORRE en champion de natation toutes catégories et en contorsionniste…

Ce sont les impossibilités matérielles qui, pourtant, révèlent en fin de compte que la petite fille, comme les précédentes, affabule à la manière des enfants d’Outreau. Elle raconte aux enquêteurs qu’alors âgée de 7 ans – nous serions en 2011 – elle se serait rendue en compagnie de Luc Tangorre et de son beau-fils en bateau sur la plateforme que la mairie du Grau du Roi arrime en été au large du phare, que le beau-fils étant reparti avec l’embarcation, Luc Tangorre l’aurait portée à la nage jusqu’au rivage et qu’il en aurait profité pour frotter son sexe contre sa jambe, décidément…

Seulement, contrairement à ce que signalent les enquêteurs, la plateforme ne se trouve pas à 120 mètres de la rive mais à plus de 280 mètres. Luc Tangorre n’a pas la capacité physique de porter la petite fille sur une aussi longue distance sur son dos en nageant et l’on imagine difficilement la position de contorsionniste qu’il faudrait entreprendre pour que la jambe de Floriane vienne s’enrouler par-dessous à l’endroit de son entrejambe, alors que l’enfant s’agripperait à son dos, ou bien s’agit-il d’un geste volontaire de l’enfant qui empêcherait a fortiori tout mouvement de nage.

Ainsi, soit Floriane n’est jamais montée sur cette plateforme ou bien n’a jamais parcouru le chemin à la nage, soit ce n’est pas Luc Tangorre qui la portait.

Expertises de femmes de ménage ?

Et l’on trouve dans le dossier de ces « expertises psychologiques de femmes de ménage » (en référence au montant auquel sont rémunérés les experts judiciaires) dont se gargarisait l’instruction d’Outreau pour tenter d’affirmer que ces jeunes victimes, auxquelles on aurait donné le bon Dieu sans confession, étaient crédibles.

Mais finalement, que signifie ce vocable, sinon qu’il vient entériner que n’importe quel enfant peut mentir avec beaucoup de conviction et de cruauté.

Et l’on souhaite vivement que l’institution judiciaire, prise dans cette fantaisie invraisemblable, puisse retrouver un minimum de raison, car ce qu’il ne cesse d’apparaître tout au long de l’enquête, c’est une volonté bornée, insatiable, d’obtenir une condamnation qui pourtant ne reposerait que sur un vaudeville digne de Labiche ou même, mieux encore, une comédie de Georges Feydeau, où ne manqueraient plus que les portes qui claquent ; nonobstant les conséquences dramatiques que ce triste théâtre judiciaire a emportées, de cette dénonciation hargneuse provoquée par une simple dépêche d’agence rédigée au mois d’août par un stagiaire…

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