Sur les indications de M. Alain Aubert, de M. Vincent Martinez, de M. Mohammed Rahou et de M. Henri Guazzone, par lesquels ils suggèrent que l’accident survenu au carrefour de la Pomme et l’épisode du coupé Peugeot enlisé dans la galerie de la champignonnière pourraient avoir un lien avec l’enlèvement de Marie-Dolorès la veille, le 4 juin au soir la brigade de Gréasque dépêche une estafette et quatre gendarmes parcourent les lieux sans rien remarquer.

À cet instant, il apparaît que le modèle de la voiture ne correspond pas : on recherche une Simca 1100, pas un coupé Peugeot 204,  et cet événement appuie que ni Alain Aubert, ni Vincent Martinez n’ont évoqué la présence d’un enfant, sinon aurait-on réagi avec une autre vigueur et bien plus de précipitation.

Le lendemain dans la matinée, M. Martinez rappelle la gendarmerie pour signaler par acquis de conscience qu’une enfant aurait pu se trouver à bord du coupé Peugeot… L’on joint alors M. Aubert à midi qui veut bien confirmer que l’homme qu’il a aperçu l’espace d’une seconde s’éloigner du coupé Peugeot transportait un paquet assez volumineux, précisant qu’une fois dissimulé dans les buissons, il n’a pas répondu à ses appels,  et lui fait-on préciser l’endroit où il a surpris le véhicule arrêté.

 

Que ce passe-t-il l’après-midi du 5 juin 1974 sur le lieu du crime ?

Et c’est dès cet instant qu’il est décidé de déployer l’après-midi du 5 juin tous les moyens dont la gendarmerie dispose afin d’organiser une battue au droit de la route nationale sur une longueur d’un kilomètre d’une part, et de procéder d’autre part à la fouille du tunnel de la champignonnière.

Le 5 juin dans l’après-midi, le capitaine Gras se rend sur les lieux à 14h00, le procès-verbal qui rend compte des opérations indique qu’ils ont disposé dès la journée du 5 d’une « poêle à frire », un appareil pour détecter les métaux :

« II- Mesures prises :

À 13 heures 15, au reçu d’informations concordantes émanant du commandant de brigade de Gréasque nous avons ordonné l’application des mesures suivantes :

Ordre est donné au maximum de personnel des brigades de la Compagnie de se rassembler dans les meilleurs délais, en tenue de combat au carrefour des R.N.8 bis et 96 en vue du ratissage d’une zone de fourrés en bordure de la R.N.8 bis .

Une équipe est chargée de la mise en œuvre de l’appareil de détection électromagnétique. « 

Ils ont fait venir également un chien pisteur de la compagnie d’Arles.

C’est dans le tunnel, sous une planche, tout à côté de l’endroit où s’était enlisé le coupé Peugeot, qu’ils découvrent à 15h20 le pullover rouge avec ses boutons dorés sur l’épaule.

Ils procèdent de même au moulage des empreintes de roues, et mettent le chien en piste à 15h40…

À partir de quel élément ? Ils ne disposent pour indiquer au chien une référence que du pull et celui-ci le permet d’autant mieux que les odeurs s’imprègnent plus fortement dans la laine et les mailles, et c’est à nul doute ainsi qu’il faut comprendre la suite du procès-verbal établi par le capitaine Gras par lequel il précise qu’on a fait quérir le chien aussitôt après la découverte du pull et qu’il est mis en piste dix minutes après  :

« À 15 heures 20, un pull-over rouge est découvert, dissimulé dans la galerie d’une champignonnière où l’auteur du délit de fuite avait caché son véhicule peu après l’accident.
À 15 heures 35, un message de recherches est adressé à la brigade de Gendarmerie de Nice pour audition de Ranucci Christian sur sa participation au délit de fuite.
À 15 heures 40, le chien policier arrive sur place ; il est immédiatement mis en piste à partir de la galerie où le pull over a été découvert. « 

Aucune autre pièce que le pull ne permettrait au chien d’être mis en piste. Le capitaine Gras tentera plus tard d’avancer lorsque sera examinée la première requête en révision par le Garde des Sceaux – comme s’il fallait évanouir dans la confusion quelque secret – que le chien aurait été sollicité après avoir flairé les sièges du coupé Peugeot. Cependant le 5, la voiture se trouve à Nice ! Alors qu’on lui fait remarquer que cela s’avère impossible, il invoque les traces de roues, comme si un chien pouvait reprendre une trace depuis l’odeur des roues…

Examinons plus attentivement ce qu’il dit à M. Boccond-Gibod, substitut du procureur en 1985, alors que celui-ci est chargé d’une enquête complémentaire liée au dépôt de la deuxième requête en révision :

« J’ai fait appel au maître-chien de la compagnie d’Arles, celui d’Aix étant indisponible. Avec le personnel chargé des recherches nous sommes arrivés dans la zone vers 13 heures le 5 juin 1974.
Le maître-chien et son animal sont arrivés au rendez-vous fixé à l’intersection de la RN 8 et de la route de la Bouilladisse vers 15 h 35. J’ai immédiatement conduit l’équipage à la champignonnière où, pendant que le maître-chien équipait son animal, je lui ai donné sa mission, à savoir à partir du véhicule se trouvant dans la champignonnière, de rechercher la trace de son conducteur et éventuellement d’un passager. Les portes de la voiture ont été ouvertes et le chien est venu renifler les places avant et arrière. Je ne pense pas que l’on ait expressément fait sentir un pull-over rouge qui se trouvait dans la galerie plusieurs mètres en arrière du véhicule. Ma certitude est que le véhicule a été soumis au flair du chien.« 

La certitude du capitaine Gras étant contredite par le fait même que la 304 ne se trouvait pas sur les lieux à ce moment, mais à Nice, il reste le pull dont il semble nous dire qu’il n’a pas demandé « expressément », autrement dit sous le sceau d’un procès-verbal de constat, qu’il soit pris comme base pour découvrir une piste, mais dont on peut conclure sans erreur qu’il figure bien la trace du conducteur ou du passager dont les enquêteurs recherchaient le trajet.

Il resterait cependant à envisager que le chien ait pris la piste de lui-même, à partir de rien, cependant, concernant des traces olfactives aussi anciennes, un animal ne sait pas l’entreprendre, il lui faut une référence à quoi se raccorder que son maître lui fournit pour en retrouver les restes sur le sol, à moins qu’il ne s’agisse de partir à l’aventure sans repère, mais en ce cas, l’animal abandonne et s’égaie dès que le jeu cesse de l’intéresser, ou bien s’agit-il de retrouver une personne qui vient de disparaître quelques instants plus tôt et les émanations s’imposent au flair du pisteur dans l’atmosphère même comme flottement …

Le chien pisteur établit que l’homme au pull rouge est remonté à pied depuis le tunnel pour longer la route nationale au moins jusqu’à l’aplomb du lieu du crime

Le chien ayant flairé le pull rouge accroche une piste qui prend naissance dans le tunnel même, comme si le possesseur du vêtement était remonté à pied, longeant un tas de tourbe qui se trouve à l’entrée du tunnel, puis rejoint le chemin qui borde le premier terre-plein et redescend jusqu’à la route nationale… Le chien poursuivant la piste longe la nationale, indiquant que le porteur du pull a regagné les abords du lieu du crime, cheminant dans le fossé.

La trace olfactive est ancienne, à l’extrême limite d’être perceptible, car elle a été déposée une cinquantaine d’heures auparavant. Le temps était sec cependant et le limier particulièrement exercé, aussi parvient-il après un kilomètre 700 jusqu’à l’aplomb du l’endroit où le corps de l’enfant a été retrouvé et le dépasse en poursuivant le long du fossé d’une trentaine de mètres. Et là, il s’arrête… Il est 16h20.

« À 16h20, le chien policier ayant parcouru la distance de 1.200 kms à partir de la champignonnière , par le chemin de terre et la R.N.8bis, arrive à hauteur du lieu où a été découvert le cadavre, qu’il dépasse de 30 mètres et s’arrête.
Ramené à hauteur du lieu de la découverte, il s’immobilise en ce lieu et ne reprend plus la piste. « 

Ceci peut signifier deux choses : soit l’homme est monté dans une voiture à cet endroit précisément, ou bien il a traversé, sans doute en biais… Les roues des voitures ont effacé ce qui en subsistait sur le bitume. Comme il en serait d’un homme traversant une rivière, la piste ne peut plus être reprise…

À ce moment, l’on ne fait plus attention au faits et gestes du chien pisteur, car on a découvert à 15h45 le corps de l’enfant dissimulé sous les branches des argeras. On a saisi un sabot qu’elle a perdu en grimpant le fossé, ce qui ne correspond pas aux aveux de Christian Ranucci ou même au témoignage des époux Aubert puisque cela signifie qu’elle était en train de fuir, et non pas qu’elle montait d’elle-même comme ils le rapportent. De quoi il se déduit une fois de plus  qu’ils n’ont pas vu cet enfant là, comme ils le prétendent, remonter le talus…

On a saisi deux pierres qui ont servi à la frapper, avant ou bien après les coups de couteau, une branche tachée de sang.

Le 5, les gendarmes procèdent à la saisie de 7 scellés : ils en transmettent cinq aux policiers… Et pour les deux autres …

Alors, les gendarmes  établissent  à la fin de leurs opérations avec méthode et rigueur une liste des 7 scellés saisis le 5 juin :

1/ un pull-over de couleur rouge, masculin

2/ une chaussure de fillette genre sabot semelle marron, dessus imitation daim avec boucle de métal, doré jaune et verte,

3/ une pierre de forme rectangulaire de 9×3 centimètres environ, tachée,

4/ une branche de pin de 78 centimètres de longueur, tachée sur 20 centimètres,

5/ une pierre de forme sensiblement ovale, grand axe 8 cm, petit axe 6 cm, tachée,

6/ un moulage de roue,

7/ un moulage de roue.

Cette liste  est d’autant plus indispensable que, dès le matin du 6 juin, les gendarmes vont devoir remettre lesdits scellés – en commençant par le pullover rouge – aux policiers de Marseille tandis que ces derniers ont entrepris d’interroger Christian Ranucci et cette remise doit être actée afin qu’il en subsiste un effet écrit, consigné dans le dossier.

Le procès-verbal qui l’évoque consigne cinq scellés :

Suivant les prescriptions de Mademoiselle le Juge d’Instruction, tous ces objets sont saisis et placés sous scellés :
– N°1 : – le pull-over
– N°2 : – la chaussure de fillette
– N°3 : – la pierre de forme rectangulaire
– N° 4 : – la branche de pin
– N° 5 : – la pierre de forme ovale

Tous ces objets sont mis à la disposition de Mademoiselle le Juge d’Instruction .
Tous ces objets sont portés à l’inventaire des pièces à conviction.
Ces cinq scellés sont remis le 6 juin 1974 au Commissaire ALESSANDRA, saisi par Commission rogatoire, suivant bordereau d’envoi N° 226/2.R. ( pièce jointe au présent).

Le cinq juin 1974 à vingt heures quinze minutes.

À cet instant, les policiers sont venus sur les lieux et se sont entretenus avec les gendarmes, mais rien ne leur a encore été remis. Et cependant, il manque à cette liste les deux moulages de roue qui viennent d’être placés sous scellés, ils devraient donc pareillement faire l’objet d’un procès-verbal de transmission… L’on sait qu’ils ont été remis à la police qui les inscrit le lendemain parmi les pièces qui leur ont été confiées, mais l’écrit qui vient le mentionner ne s’y trouve pas.

 Le couteau a-t-il été véritablement saisi le 6 juin, ou bien la veille le 5 ?

Un document est rédigé le 6 juin par la gendarmerie, un récapitulatif qui se présente ainsi :

En comparaison avec le procès-verbal de saisie, ce document comprend trois scellés de plus, deux moulages de roues et le couteau à cran d’arrêt. Comme si le couteau avait été saisi lors de la même opération, le 5 juin dans l’après-midi, alors que Christian Ranucci n’avait pas encore été arrêté.

Le commentaire qui figure sous le fac-simile du procès-verbal est extrait du livre de Gérard Bouladou, Affaire Ranucci Autopsie d’une imposture (Pascal Petiot Éditions, Paris, 2006).

Les causes du défaut d’alignement qui sont évoquées ne semblent pourtant pas probantes.  En premier lieu  pour cette raison que lorsque l’on retire une liasse de papiers et de carbones de la machine à écrire et qu’on la repositionne ensuite, le défaut de centrage des caractères gauche droite, mais surtout le décalage vertical et le décalage de l’horizontalité est bien plus sensible, à moins que l’on ait cherché à le masquer – or il convenait tout au contraire de le laisser apparaître.

Celui qui est invoqué paraît tout autant se rapporter au fait que les deux ou trois exemplaires séparés par des papiers carbone ont une certaine épaisseur qui occasionne, au fur et à mesure que la liasse s’enroule sur le tambour un très léger déplacement de cette nature.

Aussi parce que l’on ne comprend pas comment il pourrait se faire que le rédacteur ait laissé autant d’espace entre le scellé n°7 et sa signature, pour ensuite rajouter autant de texte… En outre pour la raison simple que s’il s’était agi de rajouter un scellé saisi dans d’autres conditions que les 7 autres, mention serait inscrite du sous total de 7 scellés auxquels s’ajoutait un 8ème saisi le lendemain.

Cependant le mystère le plus profond provient de ce détail insignifiant que le numéro de la pièce (7) a été rajouté à la main, pour faire comme si ce document suivait le n°5 qui est le PV de la saisie du couteau, alors que visiblement, tout porte à croire qu’il le précède.

En effet, dès lors qu’il ne figure aucune heure de rédaction, l’on en déduit que ce procès-verbal a été rédigé le 6 au matin et que le couteau a bel et bien été découvert la veille, avec le pull, les pierres, les branches. Car ce qui le fait croire, c’est que la machine à écrire qui a servi à rédiger ce procès-verbal est la même que celle qui a servi à rédiger les autres pièces et fiches de scellés le 5 juin, tandis que celle qui a servi à établir le procès verbal de découverte du couteau, le 6 au soir n’est plus la même.

Et de façon plus étrange, cette pièce n’a de sens que si tous les scellés ont été réunis entre les mains des gendarmes à un moment ou à un autre, ce qui ne se peut pas si l’on s’en tient à la chronologie des faits où le couteau serait découvert le 6 au soir, tandis que les autres scellés étaient déjà remis aux policiers depuis le matin même pour les moulages et depuis la veille au soir pour le pull. Ce qui fait apparaître plus curieuse l’absence de procès-verbal de transmission des deux moulages de roues.

Ainsi donc la démonstration ne convainc pas sur le fait que le couteau aurait bien été découvert le 6.

Or, le déroulement des faits pourrait laisser percevoir la vérité…

Chapitre 29

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5 réflexions sur “28 L’arme du crime cachée une seconde fois aux fins de persuader qu’elle appartient à Christian Ranucci ? ou la preuve controuvée…

  1. Pour le couteau voici ma version.

    Quand le véritable ravisseur monte sur le talus avec l’enfant, il lui donne des coups de pierres tranchantes puis se précipite à sa Simca pour l’enlever de la route en toute urgence. Il fonce jusqu’au petit chemin qui mène à la champignonnière.

    C’est sur ce chemin qu’il trouve Ranucci endormi dans son véhicule. Il l’endort encore plus profondément avec sa seringue (Seringue retrouvée d’ailleurs dans la 304 Peugeot).

    Il peut dès lors prendre le risque d’entrer dans la voiture par la portière passager non bloquée, de passer Ranucci sur la banquette arrière et de descendre la voiture dans le tunnel.

    Il lui prend son couteau et retourne à la malheureuse enfant pour achever sa triste besogne. Peut être même qu’il jette le couteau vers le bas du talus. Ce qui expliquerait qu’il revienne sur les lieux de son forfait plus tard pour récupérer ledit couteau et aller le mettre dans le tas de tourbe en même temps que de glisser le pull-over rouge derrière les tôles pour monter une mise en scène qu’il n’avait pas initialement pensée…

    Ce qui permet de comprendre qu’avec une odeur plus récente le chien puisse suivre encore des traces olfactives et de surcroit qu’il se soit arrêté 30 m plus loin en bas de l’endroit où l’on a retrouvé la fillette pour peu que le couteau jeté au loin par le meurtrier ait atterri là.

    Je pense que Ranucci lorsqu’il est monté dans sa voiture après avoir pris le thé avec les Rahou s’est aperçu de l’absence de son couteau et c’est pour cela qu’il est retourné vers le tunnel sous le prétexte de saluer Monsieur Guazzone.

    En tous les cas, ce qui est sûr, c’est qu’aucun assassin ne serait assez bête pour laisser son couteau avec une lame tachée de sang si près de l’endroit où il se serait fait dépanner après s’être enlisé.

    1. Vous dites :

      « Quand le véritable ravisseur monte sur le talus avec l’enfant, »

      Je rajouterai ceci :
      alors que la Simca est garée de l’autre côté, dans le chemin qu’on dit chemin de la Doria, à 300 mètres de là, il est 11h45.

      « il lui donne des coups de pierres tranchantes »

      Elles ne sont pas véritablement tranchantes ou bien cela n’apparaît pas de façon caractéristique, l’autopsie n’a révélé rien de tranchant qui ne soit la conséquence des coups de couteau.

      Donc je rajouterais :
       » pour l’estourbir avant de sortir son couteau à cran d’arrêt de sa poche pour, de rage, lui asséner 14 coups. »

      « puis se précipite à sa Simca pour l’enlever de la route en toute urgence. Il fonce jusqu’au petit chemin qui mène à la champignonnière. »

      Ce n’est pas un film de Charlot. Non, imaginez simplement que la Simca n’est pas garée à cet endroit et vous trouverez tout simplement la solution. Plutôt que de faire dans le burlesque pour tenter de faire coller les pièces du puzzle qu’évoque Gilles Perrault.

      « C’est sur ce chemin qu’il trouve Ranucci endormi dans son véhicule. Il l’endort encore plus profondément avec sa seringue (Seringue retrouvée d’ailleurs dans la 304 Peugeot). »

      Cela ne se peut pas, il est 11h45 et Christian Ranucci ne sera sur les lieux que dans trois quarts d’heure.
      Il n’avait nullement besoin de l’endormir avec la seringue vide que le malheureux Christian gardait dans son coffre depuis des jours, une nuit sans dormir et à boire, on s’approche du coma éthylique… Christian Ranucci ne tenait pas l’alcool tout simplement.

      « Il peut dès lors prendre le risque d’entrer dans la voiture par la portière passager non bloquée, de passer Ranucci sur la banquette arrière et de descendre la voiture dans le tunnel. »

      Pour faire cela – qui est l’hypothèse la plus plausible, il vaut mieux qu’il attende que Christian Ranucci arrive, alors qu’il vient tout juste de cacher le corps sous quelques branchages. Ce ne sera que dans trois quarts d’heure…

      « Il lui prend son couteau et retourne à la malheureuse enfant pour achever sa triste besogne. »

      Mais le couteau n’appartient pas à Christian Ranucci, il appartient depuis le début à l’homme au pull-over rouge. Lorsque Christian Ranucci dit que le couteau n’est pas à lui, il dit vrai. Comme pour le reste. Donc rassurons nous, le plus simple c’est qu’à 11h45, cet homme a donné deux coups de pierre et 14 coups de couteau.

      « Peut être même qu’il jette le couteau vers le bas du talus. »

      On a le droit d’émettre toutes hypothèses utiles, mais cela reste une hypothèse que rien ne vient corroborer. Même avec des « peut-être », elle reste improbable.

      « Ce qui expliquerait qu’il revienne sur les lieux de son forfait plus tard pour récupérer ledit couteau et aller le mettre dans le tas de tourbe en même temps que de glisser le pull-over rouge derrière les tôles pour monter une mise en scène qu’il n’avait pas initialement pensée… »

      Cet homme ne fait pas de mise en scène. Vous suggérez qu’il serait revenu sur les lieux du crime plus tard, mais alors pourquoi ne prend il pas le corps de l’enfant pour le cacher ailleurs, de telle façon qu’on ne le retrouve jamais ?

      Non, il tue de rage parce qu’il est contrarié : l’enfant a échappé à sa vigilance, et il tue avec l’arme qu’il connaît et qu’il maîtrise, son propre couteau à cran d’arrêt.
      Une voiture survient 45 minutes plus tard – malheureux Christian Ranucci qui ne sait pas à côté de quoi il se gare -, elle le gène, elle fait un signal à l’endroit où se trouve le corps. Donc pour lui, il faut absolument la déplacer et donc il pénètre dans l’habitacle après avoir fait passer Christian Ranucci sur la banquette arrière. C’est dans la voiture de Christian Ranucci qu’il gagne le tunnel qu’il est le seul à connaître – sinon, Christian Ranucci n’aurait jamais pu s’y trouver. En effet, lorsqu’on ne connaît pas cet endroit, qu’on ignore son existence, il est absolument impossible de le repérer (il est absolument invisible, même si l’on se trouve sur le second terre-plein) et de s’y rendre. Or Christian Ranucci n’est jamais venu dans les parages.
      La voiture s’enlise, l’homme au pull rouge l’abandonne, abandonne son pull à côté de la voiture ce qui est une négligence, pas une mise en scène.
      Il remonte à pied, cache le couteau sommairement dans la tourbe en passant, et retourne chercher la Simca, laquelle est garée de l’autre côté de la nationale dans un chemin de traverse d’où personne n’a pu l’apercevoir. Quand il traverse la route on perd sa trace. Et pour cause, c’est une trace ancienne que le passage des voitures a dispersée.

      Même si la trame que vous proposez est solide et intéressante, il semble inutile et périlleux de s’entraver par des suppositions absolument compliquées. Il n’y a pas de mise en scène, pas de fioritures, pas d’invention à chercher, tout est étayé par différents éléments que les gendarmes collectent le 5 juin.

      Vouloir faire un récit baroque, surtout à partir d’une trame qui se tient, me paraît illogique et ne sert qu’à embrouiller les lecteurs pour les détourner de la vérité.

      Je pourrais continuer de commenter. Le scénario que vous proposez pour moi, s’il tient sur la trame principale, se fragilise par sa complexité même. Il est assuré désormais que le meurtrier a été troublé par son geste extrêmement violent et qu’il n’a pas pris beaucoup de précautions par la suite, semant sa trace de différents indices comme une sorte de Petit-Poucet.

      De même le couteau n’était pas la propriété de Christian Ranucci et s’il y a eu mise-en-scène, c’est le fait de le rapporter depuis l’Évêché jusqu’au terre-plein le 6 au soir, le replanter une deuxième fois dans la tourbe pour donner l’illusion justement qu’il appartenait au jeune niçois en faisant croire qu’on le trouvait sur ses indications.

      Ce qui est faux bien entendu.

  2. Bonjour
    Après relecture de l’ouvrage de G. Perrault « l’ombre de C. Ranucci », j’ai surfé sur internet pour tenter de trouver d’autres éléments sur cette tragique affaire, et une recherche google m’a dirigé vers votre blog que je suis en train de lire presque d’une traite. Vous analysez les faits avec beaucoup de talent et une grande force de conviction, tirant les conséquences logiques de la contre-enquête de Perrault, si bien que votre récit, car il s’agit malgré tout d’un récit, vient synthétiser en un tout cohérent les résultats des investigations de l’auteur du pull over rouge et de ceux qui se sont attelés à démontrer l’innocence de Ranucci.
    Néanmoins un point dans votre discussion avec J. Goujon me laisse perplexe : l’homme au pull over rouge tue et, dites-vous, « une voiture survient 45 minutes plus tard ». Mais que faisait l’assassin sur la scène du crime 45 minutes plus tard ? Son premier réflexe n’aurait-il pas été, après avoir sommairement dissimulé le cadavre de sa victime, de s’en éloigner au plus vite pour éviter d’être pris ? Voit-on beaucoup de meurtriers passer 3 quarts d’heure près de leur victime ?
    Il me semble qu’il y a dans cette assertion une invraisemblance comparable à celles dont sont truffés les aveux et tout le dossier.

    1. Je pense que c’est parce que vous ne vous immergez pas assez dans l’univers qui englobe le meurtre. Je tenterai de démontrer assez rapidement que la Simca 1100 ne lui appartient pas, qu’il ne pouvait donc rien y entreposer. Or donc le ravisseur se cache dans le chemin de la Doria, Marie-Dolorès lui échappe à travers la garrigue – sinon on ne peut expliquer les nombreuses griffures sur ses jambes, il la rattrape de l’autre côté de la nationale et la tue avec une rage extrême – 15 coups de couteau, dont l’un sectionne la carotide. Il est couvert de sang, il poisse parce que le sang colle et coagule. L’impression est sans doute affreusement désagréable, c’est le miroir de la mort que l’on porte soudain sur soi.

      On pourrait imaginer qu’il est meurtrier froid à l’instar de Robert Walker dans « l’inconnu du Nord Express » ou bien à l’inverse qu’il se trouve submergé par les conséquences symboliques de son geste. Ou bien quelque chose qui soit dans l’entre-deux, un mélange de divagation et de volonté.
      Toutefois, il est certain qu’il ne pouvait emporter le corps de l’enfant – sinon c’est ce qu’il aurait fait et l’on ne l’aurait jamais plus retrouvé, qu’on pourrait en déduire qu’il n’avait pas prémédité son geste.
      Il est guidé donc par deux impératifs absolus : se changer, et cela, visiblement, il a pu l’accomplir, et cacher le corps du mieux qu’il est possible, pour ne pas qu’on le découvre.

      On ne peut donc en conclure qu’une seule chose, il est retourné à la voiture et s’est changé, peut-être a-t-il emprunté le chemin à travers la garrigue pour ne pas être vu. Il a repris les vêtements qu’il portait les jours précédents, non compris le pull rouge : il faisait soudain beaucoup plus chaud à Marseille ce jour précisément.
      Pourquoi revient-il sur les lieux de son forfait portant peut-être le sac contenant les affaires souillées ? Pour cacher le corps qu’on retrouvera sous des branchages. À cette heure, il est à peu près sûr de ne pas être dérangé, dans les fourrés au dessus de la nationale, personne ne peut l’apercevoir.
      Lorsque surgit la voiture de Christian Ranucci, on peut imaginer qu’il a presque achevé sa tache et qu’il s’apprête à repartir. Et la voiture de Christian Ranucci fait signal, donc descend-il du talus et se dévoile l’espace d’une seconde au couple Aubert avant de s’éclipser brusquement.

      On a voulu souvent me rétorquer qu’un assassin n’aurait pas pris le risque de se montrer et de tenter de réveiller Christian Ranucci, tombé en catalepsie dans sa voiture. Cela n’est pas sûr, Francis Heaulme s’est bien montré couvert de sang à deux pêcheurs qui l’ont pris en stop, et surtout, cet homme après avoir fait une tentative d’enlèvement sous les yeux de Mme Mattéi se permet de lui parler et de lui faire face le lendemain pour lui annoncer cette chose absurde : « qu’il s’arrête…« .

      C’est, je pense, ce qui s’est passé durant cette période de 45 minutes, entre le moment où il a tué l’enfant et l’instant où survient Christian Ranucci.

      1. Effectivement, je vois que dans les chapitres ultérieurs, vous détaillez ce qu’a été selon vous l’emploi du temps de l’homme au pull over rouge après le meurtre.
        Merci de votre réponse.

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