L’appel de l’acquittement signale simplement l’acharnement de l’Institution à obtenir coute que coute une condamnation : est-ce son rôle ?

Le temps si long de cette instruction vaine et sans objet semble avoir eu pour motif d’attendre la modification législative permettant au procureur général de faire appel des acquittements. En effet, au vu de l’état du dossier, l’acquittement de M. Massé par la Cour d’assises de Toulouse ne pouvait que s’imposer.

Comment les jurés – de la même façon que les gendarmes auparavant – pourraient-ils souscrire au mobile supposé produit par l’accusation qu’il aurait perdu la tête et se serait vengé pour 30 000 francs au lieu de saisir une juridiction civile ? M. Massé parvient en outre à démontrer qu’aucun des éléments produits par le juge d’instruction n’a de force probante car il s’agit de comparaisons trop vagues pour avoir valeur de charge.

Il faudra que soit organisé un procès où sont gommés un certain nombre d’éléments par un président-procureur pour obtenir une condamnation.

 

Maître Jean-François Le Forsonney indiquait que l’affaire Christian Ranucci lui avait montré que l’avocat est tout pour son client, qu’il est la dernière branche à laquelle il peut se raccrocher.

C’est ce que M. Massé ressent profondément pour ne rien maitriser des mécanismes de l’instruction, il se voit obligé de s’en remettre à ses conseils. Il constate avec impuissance que ces derniers le rassurent sur des éléments qui s’avèrent n’avoir devant les magistrats aucune valeur.

Cependant il se révèle incapable de saisir le mécanisme des violations des droits de l’homme que l’institution est contrainte de commettre pour parvenir à obtenir une condamnation et que ses conseils s’avèrent dans l’impossibilité d’empêcher.

Le Président des assises d’appel qui est nommé écrit que le dossier est incomplet. On se demande pourquoi il a fallu sept ans pour parvenir à un tel résultat, sinon que l’hypothèse de la culpabilité de M. Massé n’est pas soutenable.

Mais celui-ci n’en déduit pas qu’il faudrait reprendre les investigations dans une autre direction. Au contraire, il diligente des enquêtes dirigées contre M. Massé pour tenter vainement d’étayer le dossier à charge, ce que le juge d’instruction n’a pourtant pas réussi à faire durant les cinq années d’instruction.

 

Il ordonne trois commissions rogatoires :

  • trouver la trace de la cordelette qui formait l’anse de transport du colis piégé dans un magasin de nautisme où M. Massé se fournissait habituellement. Cette investigation n’aboutit pas, la cordelette provient vraisemblablement d’un magasin de bricolage et n’a rien à voir avec le nautisme.
  • trouver chez ses voisins – huit ans après les faits ! – un témoin qui serait susceptible d’affirmer qu’il a quitté son domicile dans le courant de la nuit pour contourner l’alibi dont il dispose. L’investigation n’aboutit pas mieux, les témoins n’ont aucun souvenir de cette nuit précisément.
  • démontrer que M. Massé se serait acharné contre M. et Mme Hernandez et qu’il aurait passé un coup de fil à leur employée à ce propos. L’investigation n’aboutit pas plus.

En revanche, les conditions dans lesquelles s’est conclu le contrat de commodat et les modalités de sa résolution n’intéressent pas du tout le Président qui ne cherche pas plus à savoir si véritablement l’accusé ne disposait d’aucun moyen de droit pour obtenir gain de cause.

Massé n’est pas informé de ces commissions rogatoires destinées à l’incriminer et ses conseils semblent avoir oublié qu’un juge ne peut avoir connu de l’enquête s’il veut préserver son impartialité.

Car l’accusé affronte dans les faits un troisième et un quatrième procureur : l’Avocat général et le Président des assises d’appel lui-même.

 

L’on peut dès lors mieux comprendre et mieux appréhender les raisons pour lesquelles un certain nombre de condamnations vont être prononcées dans un nombre significatif de cas suite à des acquittements de première instance après le vote de l’amendement Schosteck-Lazerges de mars 2002 :

En vérité les accusés ont tendance à relâcher leur attention du dossier, les conseils les rassurent de façon inconsidérée et lorsqu’ils viennent à s’apercevoir que leur défense prend l’eau, il est trop tard.

En outre les audiences de première instance ont permis à l’accusation de roder ses arguments. C’est le déroulement typique que nous a rapporté en tous cas M. Massé, si troublant d’ailleurs que la Dépêche du midi s’en fera l’écho dans un article paru le 10 juillet 2007 intitulé : « les acquittés de Toulouse condamnés à Montauban », l’article se terminant par ce passage :

« C’est la deuxième fois qu’un acquitté à Toulouse est condamné à Montauban. Le précédent se nommait Massé. Il était au cœur d’une affaire de colis piégé à Portet-sur-Garonne. Acquitté à Toulouse, il avait été condamné à 25 ans de réclusion criminelle à Montauban. Son avocat était Jean-Luc Forget. Le président de la cour Jacques Richiardi, l’avocat général Marc Gaubert et celui de la partie civile Simon Cohen. Vous avez dit coïncidence. »

Le procès d’appel est renvoyé : pour obtenir une condamnation, il était nécessaire d’organiser une « répétition » tant l’accusation repose sur une construction fragile

Lors du premier procès d’appel, un morceau de vérité se fait jour, car le beau-père de M. Hernandez fait devant la Cour des déclarations intempestives qui révèlent par ailleurs une personnalité affectée par une paranoïa inquiétante. Il proclame notamment qu’il n’y a que deux personnes capables de confectionner un colis piégé : « moi et M. Massé » dit-il.

En outre le seul témoin qui corrobore dans une déposition que l’accusé aurait proféré des menaces à l’encontre des victimes vient révéler qu’il a signé la lettre de dénonciation sous l’injonction de cet homme qu’il désigne devant les jurés : encore le beau-père. Ceci contre une promesse d’embauche…

Il est évident qu’aussitôt les jurés comprennent que M. Massé est victime d’une machination et laissent effectivement apparaitre une certaine bienveillance à son égard par la suite (ce dont témoignent ceux qui étaient présents lors des audiences) qu’il semble que l’on se dirige vers un second acquittement.

 

Cependant la partie civile prétend soudain qu’elle détient une preuve de la culpabilité de l’accusé, or les avocats de la défense, aussitôt sans réfléchir ni demander à consulter le document, sans demander l’avis de leur client non plus, réclament le renvoi du procès purement et simplement. Le président entend tous les témoins cités puis accède brusquement audit renvoi sans que la partie civile ni l’accusation ne s’en offusquent.

En vérité, l’élément présenté par la partie civile n’avait de fait aucune valeur, il était de plus aisé de le démontrer. Une simple suspension d’audience suffisait à faire justice de cette prétendue « preuve ». D’ailleurs, lorsque le procès reprend au cours de la session suivante, ladite partie civile finalement s’en désintéresse…

 

Comment M. Massé pourrait aujourd’hui ne pas ressentir l’effet d’un impair ?

Ses conseils, non seulement invoquent des demandes de renvoi contreproductives, mais ignoraient visiblement qu’un Président d’assises ne peut avoir connu de l’affaire comme magistrat instructeur, qui plus est enquêteur à charge. Ils semblent ignorer tout autant qu’un Président, s’il ordonne un renvoi n’a plus encore d’autre solution que de demander au Président de la cour d’appel de bien vouloir le récuser et le faire remplacer.

Or donc ce même magistrat, à la fois – enquêteur – procureur et – président – dirige les débats de la session suivante.

 

Les conseils de M. Massé intiment à leur client de ne plus intervenir : cela déplait au Président argüent-ils. Ils insistent sur les points suivants :

  • qu’il ne s’agit que d’un mauvais moment à passer,
  • qu’ils sont persuadés de toute façon de passer pour les gentils…
  • enfin, ils assurent M. Massé que celui-ci pourra partir en vacances…

Daniel Massé encourt la prison à perpétuité, c’est la toute première fois après la promulgation de la loi de mars 2002 que l’on rejuge un acquitté mais pour eux, ce procès, ce sont déjà des vacances… Malheureusement, pris dans sa propre angoisse, M. Massé ne perçoit pas l’inconvenance et l’incongruité d’une telle posture.

Si l’on a l’esprit mal tourné, l’on peut songer à nouveau à l’Aveu d’Arthur London, et percevoir dans ces recommandations invraisemblables l’écho des référents du procès Slánský qui conseillent à leurs malheureux clients promis à la pendaison de ne pas déplaire au Président, de ne pas faire appel, de se taire, de faire confiance au parti…

  à suivre…

 

Chapitre 53
 
Retourner au premier chapitre du rapport oublié
 
Retourner au premier chapitre évoquant Daniel Massé

 

 

Retourner au premier chapitre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.