La réponse de la Commission de révision sera des plus diligentes et consiste à prendre de vitesse la publication du Journal Officiel.

En effet la disposition législative sur laquelle elle s’appuie pour refuser la transmission de cette question prioritaire à la Cour de cassation, en l’occurrence l’article 23-6,  est supprimée quinze jours après le rendu de sa décision par la promulgation de la loi réformant le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Car bien évidemment la question posée par M. Massé nous semble particulièrement sérieuse et n’a jamais été soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas contestable.

Or la solution proposée par la Commission consiste à relever que la question doit être transmise directement au Premier Président de la Cour de cassation comme en dispose l’article 23-6 promis à suppression. Ce qui est rigoureusement impossible puisqu’elle doit être examinée auparavant par la Commission et jointe à la procédure.

Ainsi, la réponse négative quant à la transmission de la question de constitutionnalité de la Commission de révision est celle des schizophrènes : je ne juge pas et je n’existe pas.

 

Autrement dit, au cas où l’on adresse la question prioritaire au Premier Président, l’on respecte l’article 23-6 mais l’on transgresse l’article 23-2 et la question est rejetée ; au cas où l’on adresse la question prioritaire par écrit motivé et séparé en la joignant à la requête comme M. Massé a cru bon de faire, on respecte l’article 23-2 mais l’on transgresse l’article 23-6 et la question est rejetée.

M. Massé doit en déduire que la question ne sera pas posée.

 

 Quant à la requête elle-même, elle est examinée dans le temps record d’un mois et demi,

signe que la Commission de révision peut être extrêmement efficace et diligente dans certains cas particuliers, notamment lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité accompagne la demande.

Mais cette particulière diligence se produit en d’autres circonstances : rappelons que l’élément des écoutes téléphoniques présenté par M. Deperrois sera, lui, examiné – si l’on peut s’exprimer ainsi – et rejeté en quinze jours.

 

La requête se fonde sur une pièce qui se trouve dans le dossier d’instruction et qui consiste en deux lettres anonymes adressées respectivement à M. Massé et à sa femme.

Le Comité de soutien parvient à en déchiffrer le sens caché qui se relie directement au changement de propriété de l’entreprise dont le jury des assises n’a pu en aucun cas avoir connaissance, en conséquence logique, ce sens caché lui était sans contestation possible rigoureusement inconnu. Il n’est nul besoin de vérifier la teneur des débats pour s’en assurer.

Il se révèle que la victime de l’attentat – car il est sûr que c’est d’elle dont il s’agit, la Commission ne se hasardant pas à le lui demander – tente de prévenir M. Massé par des périphrases en mélangeant le corse et l’espagnol, et à mots couverts, du véritable mobile de l’attentat et du fait qu’il est, en tant que victime, condamné au silence parce qu’il ne peut pas partir.

 
 

La Commission de révision rejette la requête et ne diligente aucune investigation, en s’appuyant sur une confusion : la pièce, autrement dit le support, n’est pas nouvelle puisqu’elle se trouvait enfouie dans le dossier d’instruction et aurait été par présupposé « soumise aux débats », comme si les jurés disposaient du dossier d’instruction, donc tout déchiffrement du message qu’il contient, même si ce déchiffrement est nouvellement apparu – ce qu’elle ne cherche même pas à contester –, ne peut constituer un élément inconnu de la juridiction.

 

Ceci constitue une interprétation de la loi extrêmement restrictive car le texte spécifie précisément : « élément inconnu », or dans ce cas l’élément inconnu consiste dans le déchiffrement du message et non pas dans le support sur lequel il est écrit, fut-il « soumis aux débats ».

En tout état de cause, la pièce constituée par le procès-verbal de l’assemblée générale actant la spoliation de M. Hernandez des deux tiers de la propriété de son entreprise au moment même de l’attentat ne faisait pas partie du dossier et pourtant l’élément qu’elle révélait n’a pas plus été pris en compte ni comme nouveau, ni comme créant un doute.

Autrement dit, la question ne sera pas posée.

 

Cette décision supposait également que ne soient pas pris en compte les éléments inconnus que M. Massé avaient déposés lors de la requête précédente, tandis que la loi de 1989 dispose justement du contraire, la Commission ayant pris pour parti d’ignorer dans les faits le changement de propriété de l’entreprise pourtant attesté.

Vous trouverez en pièce jointe copie de la seconde requête en révision, de la QPC qui l’accompagnait et la décision de la Commission.

C’est notamment pour un motif en tout point semblable que la troisième requête en révision déposée par Mme Mathon aux fins d’obtenir la réhabilitation de M. Christian Ranucci est rejetée :

  • L’un des éléments inconnus des jurés qu’elle présente devant la Commission consiste dans la falsification d’un procès-verbal de saisie pour y faire subrepticement mention d’un pantalon taché de sang qui se serait trouvé dans le coffre de la voiture du condamné.
  • Le fait de cet ajout postérieur à la rédaction du procès-verbal est extrêmement grave puisque l’on en déduit que ledit pantalon ne se trouvait justement pas dans la voiture, mais peut-être dans le garage duquel il n’était pas sorti, qu’il fallait en déduire que les taches de sang provenaient bel et bien de l’accident de mobylette que M. Ranucci avait eu un mois auparavant et ne résultaient pas du crime.
  • Ce que confirme aujourd’hui un expert en morpho-analyse des taches de sang : ce pantalon n’était pas celui que portait le meurtrier au moment des faits, sans aucun doute possible.

 

Or le rejet de la Commission se fonde sur deux arguments : in fine, le procès-verbal se trouvait dans le dossier, l’élément – que l’on confond avec son support en fait – n’est donc pas nouveau, et nonobstant cet argument rédhibitoire, l’on ne peut connaître à quel moment le rajout s’est accompli, ce qui laisserait sous-entendre que M. Ranucci était alors présent. Le raisonnement est de ce fait particulièrement incertain : si M. Ranucci est présent, pourquoi dissimuler que la mention du pantalon a été tapée postérieurement à la rédaction du procès-verbal et ne pas faire parapher une locution stipulant le nombre de mots rajoutés ?

De plus la question posée n’est pas de savoir si la pièce figurait ou non dans le dossier, ce qui n’a pas d’objet, mais de prendre en compte le fait que les jurés se trouvaient dans l’ignorance de ce qu’il s’était glissé un faux en écriture dans une pièce de procédure où l’accusé risquait la peine de mort et de mesurer en quoi le savoir ou l’ignorer avait pu déterminer le résultat des investigations et, dans chacun des cas, emporter finalement la conviction du tribunal dans un sens ou dans l’autre.

Il fallait en conclure que la question ne serait pas posée.

 

à suivre…

 

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