24 Aveux sans aucune cohérence par quoi sans savoir Christian Ranucci pose sa tête sous le couteau de la guillotine

Les avocats n’ont pour rôle de défendre leur client que pour autant il n’entrave de nulle façon l’enclenchement sans heurts des rouages de l’appareil judiciaire, ce qui suppose que la défense ne s’aventurât jamais à remettre en cause les irrégularités de la procédure quand elle atteint la ferveur d’apparence de l’action des juges et des officiers de police judiciaire et mettrait en lumière quelques entorses avec la vérité.

La règle coutumière donne ainsi vertu aux juges et aux enquêteurs de pouvoir s’affranchir aussi grossièrement qu’il est possible du respect des règles et des droits de l’homme sans qu’ils ne soient jamais inquiétés, et surtout jamais par la défense ou bien s’agit-il d’un pur théâtre qui se résoudra dans le labyrinthe des recours et des refus d’informer.

L’institution judiciaire française possède deux caractéristiques immuables qu’elle hérite sans doute de l’ancien régime, elle est obéissante et totalitaire d’essence – le contradictoire est corseté à ses plus beaux artifices -, autrement dit despotique voire même dictatoriale et ne supporte jamais de se remettre en cause.

Il était dans les attributions de ses avocats de demander l’annulation du second interrogatoire de Christian Ranucci devant le juge d’instruction et de ce qui s’en ensuivait, puisque Mlle Di Marino s’était abstenue de lui demander s’il souhaitait l’assistance d’un conseil – après tout, il ne risquait que d’avoir la tête tranchée… Cette demande, ils ne l’ont jamais introduite – fallait-il qu’ils soient distraits, ou bien inaptes.

Mieux encore ils ont accepté que le juge d’instruction fasse inscrire en leur présence, lors de la première confrontation, cette mention pour le moins surprenante et sans valeur – dictée par un futur Conseiller à la Cour de cassation – où l’on invite Christian Ranucci à renoncer à ses droits et accepter les irrégularités de procédure qu’aucune urgence ne saurait justifier :

« Je renonce expressément à me prévaloir de la nullité qui pourrait résulter du fait que Monsieur le Bâtonnier CHIAPPE que je viens de désigner à l’instant comme conseil et Me LEFORSONNEY dont vous avez eu connaissance de la désignation aujourd’hui seulement, n’ont pas été convoqués 48 heures à l’avance et du fait que la procédure n’a pas été mise à leur disposition 24 heures à l’avance.

Je renonce expressément à me prévaloir de cette nullité en présence de Mr le Bâtonnier CHIAPPE et de Me LEFORSONNEY.« 

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22 Aline et Alain Aubert pris au piège dans l’engrenage de l’ambiguïté et de la mort

Le 6 juin 1974 en début d’après-midi, après 19 heures de garde-à-vue sans dormir, Christian Ranucci accepte de passer des aveux et de se laisser conduire à la mort.
Il vient d’être confronté à ces deux êtres, Aline et Alain Aubert – qui se sont lancés à sa poursuite à la demande de Vincent Martinez, le conducteur du véhicule que le jeune homme avait malencontreusement embouti pour ne pas avoir respecté l’arrêt et la priorité au croisement.

Lorsqu’elles sont confrontées à ce presque enfant terrassé de fatigue, elles affirment de façon péremptoire le reconnaître et l’avoir vu tirer de sa voiture une enfant et l’emporter dans les fourrés.

Il est midi et demi le 3 juin lorsque Christian Ranucci s’avance sans marquer le signal stop tandis que survient sur sa gauche la voiture de Vincent Martinez. L’accrochage est d’une telle violence que le véhicule s’immobilise sur la chaussée.  Alain Aubert s’arrête quelques instant plus tard pour porter assistance au malheureux accidenté, le coupé Peugeot a disparu et M. Aubert s’empresse de s’engager à la poursuite du fuyard. Il reviendra quelques instants plus tard communiquer le numéro minéralogique du conducteur indélicat.

L’aile est enfoncée au point que M. Martinez se voit contraint de sonner au pavillon voisin pour emprunter des outils et l’arracher. Il repartira dix minutes plus tard pour  se rendre peu après à la gendarmerie de Gréasque afin de porter plainte. Lire la Suite

21 Les policiers font parfois de bien médiocres romanciers (suite)

 

La garde-à-vue est un instrument inutile, le résidus des méthodes de l’ancienne justice où l’on passait l’accusé par les fers et les tourments pour faire jaillir la parole des ténèbres de l’esprit.

Au bout de quelques heures, sans doute peut-on commencer à profiter de la fatigue de Christian Ranucci. Lorsqu’il sera harassé, pourra-t-on écrire ce que l’on veut et recueillir son consentement, même au mensonge, même à l’inexactitude des faits, mieux même à l’imprécision, à l’approximation, plus encore à l’invention. Lire la Suite

20 Les policiers font parfois de bien médiocres romanciers…

 

Lors du procès de Christian Ranucci, les observateurs se souviennent d’une sensation de brouillard tandis qu’on interrogeait l’accusé qui ne se conformait pas à l’image qu’on donnait de lui et tout vint à s’éclaircir à l’instant où le président Antona se mit à lire les aveux que le jeune homme avait contresignés le 6 avril 1974.

Il se révélait de façon splendide une vérité indépassable ayant l’éclat de l’évidence. Et c’est pourquoi il importe de comprendre comment ces aveux furent élaborés et comment ils affrontent la réalité de ce que renferment les témoignages que nous possédons par ailleurs ; tenter de percevoir la résonance des paroles que les enquêteurs ont bien voulu retracer, les silences aussi qui entourent leurs écrits – car c’est bien aux enquêteurs qu’il revient de façonner le texte des aveux à la convenance des questions qu’ils posent… Lire la Suite

19 La nuit pour le jour

 

 

Le lundi 3 juin 1974 au soir, Christian Ranucci est rentré à Nice.

Si nous devions le considérer innocent du meurtre dont on l’accusait comme il est bien probable qu’il le fût, nous tenterions d’imaginer ce qu’il devait ressentir à l’instant où il retrouvait sa mère.

Il ne lui avait jamais laissé entendre qu’il partirait retrouver son père, et s’il  a évoqué l’accident survenu aux alentours de midi et demi, au carrefour de la Pomme, c’était d’une manière distraite,  en dînant, devant les tomates à la provençale qu’elle avait préparées à son retour. Au fond de lui-même pouvait-il s’interroger sur les conséquences de sa fuite, se douter que le conducteur avait pu retranscrire à la volée le numéro minéralogique de sa voiture et qu’il se verrait interpellé peut-être, et en imaginait-il les formes. Lire la Suite

17 Un pas vers la nuit

Lorsque Christian Ranucci se réveille, il est sans doute 17 heures. Il se trouve au beau milieu d’un tunnel humide et frais, dans un tout autre univers. Il ne sait pas combien de temps a duré son inconscience, un abîme insondable le sépare désormais de l’accident, de sa nuit blanche, de sa matinée houleuse en compagnie de son père Jean Ranucci et de sa belle-mère.

Quelque chose le surprend à peine, il se trouve allongé sur la banquette arrière de sa propre voiture, et c’est ce qu’il indiquera plus tard à Maître Le Forsonney lorsqu’il sera emmuré au fond de sa prison. Il se réveille transporté à cet endroit sans pouvoir en comprendre la cause. Lire la Suite

14 Le pan du voile

Le silence de Jean Ranucci est une ère ténébreuse ; le père s’est uni dans une communion complice avec son fils. Le fil de la tragédie se tend à cet endroit précis, c’est leur hamartia commune. L’un et l’autre se taisent.

À l’instant d’être remis entre les mains des bourreaux, Maître Jean-François Le Forsonney se souvient que Christian Ranucci a porté : « sur l’assistance pétrifiée un regard étrange, incompréhensif et hautain où j’ai vu comme une dénégation. C’était cela. Il semblait dire non à quelque chose que seul il connaissait, à l’accusation, à sa faute supposée, ou peut-être à la mort… » (Christian Ranucci, vingt ans après).

Il se jouait vraisemblablement par ce silence, un dernier combat entre le père et le fils, et c’est le fils qui triomphait en réalité car son silence était porteur de foudres divines. Lire la Suite

13 À la recherche du père…

 

 

Le forum

Forum Ranucci, Peut-on douter ?

a ceci de pénétrant qu’il soulève des pans de vie qu’on ne reconnaissait pas, un album d’où s’évadent de lointains parfums.

Christian avait vécu à Voiron où sa mère tenait un bar « le Rio-bravo« , avant qu’elle ne décide de changer pour s’installer à Nice et devienne propriétaire d’un petit appartement dans la Cité des Floralies. Ayant devancé l’appel, l’armée l’avait affecté au régiment de Wittlich en Allemagne. Là, il avait croisé un certain Alain Rabineau qu’une bonne âme est venu rencontrer il y a quelques années pour un échange libre d’où il est résulté cette interview :

Rencontre avec Alain Rabineau Lire la Suite

12 L’enfance nomade

C‘est peut-être moins Christian Ranucci que l’on a condamné, plutôt sa propre histoire, et sans doute tenait-on à condamner en réalité sa mère Héloïse Mathon à souffrir pour le restant de ses jours et la priver de son unique enfant.

C’est ce qui semble se refléter de ce que l’on sait de l’entretien que Madame Ilda Di Marino, le juge d’instruction, eut avec elle. Ce que le magistrat remettait en cause de façon cinglante et perfide, c’était l’éducation que sa mère avait donné à Christian, en martelant qu’il fallait être sévère avec les jeunes, sinon concluait-elle de cet phrase définitive : ils ne  valent rien.

Il appert qu’on avait été très sévère avec Madame Di Marino enfant, ce qui en faisait à son tour une juge d’instruction d’une grande rudesse, à ce point d’ignorer les droits de la défense. Lire la Suite

11 Qui a tué Christian Ranucci ?

 

 

Qui a tué Christian Ranucci ?

 

Un récit porte ce titre, dont l’auteur n’est autre que l’un des inspecteurs chargés de l’enquête sur le meurtre de Marie-Dolorès Rambla, Mathieu Fratacci. Celui-ci affronta comme en miroir le destin de sa proie puisqu’il fut en quelque sorte guillotiné à son tour quelques années plus tard par une pale d’avion.
Cette question apparaît inattendue car il n’est pas difficile de convier les responsables de cette affreuse tragédie, nous tous le peuple français, au nom de quoi tout cela a pu se produire ; mais plus encore le juge d’instruction Ilda Di Marino, son successeur, Pierre Michel, les experts François Vuillet, Jean Sutter, Georges Cardaire, H. Fiorentini et Myriam Colder, le Commissaire Alessandra, et les enquêteurs Jules Porte, Pierre Grivel, de même Mathieu Fratacci, le capitaine Gras, et d’autres encore, dont Mlle Brugère, qui procède en quelques lignes à la clôture du supplément d’enquête qui laissait pourtant découvrir la vérité, le Président André Antona aussi peu impartial qu’il est possible, le parquet de Marseille dans son ensemble et bien évidemment Armand Viala, l’avocat général qui ne lit que les procès-verbaux qui l’arrangent, Maître Gilbert Collard, quoi qu’il ait tenté de réfréner l’ardeur des jurés guillotineurs, les avocats de la défense et leurs manques, la presse de Marseille et de Nice qui  vint  bafouer la présomption d’innocence et hurler avec les loups, les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature de l’époque et le Garde des Sceaux Jean Lecanuet, le Président Valéry Giscard d’Estaing qui portait en horreur la peine qu’il lui infligeait, sans oublier les neuf jurés que l’on a si aisément emportés dans une tourmente qui ne leur appartenait pas, André Crouzet, Jean Blaty, et dont deux d’entre eux, Geneviève Donadini et Michel Rebuffat sont venus expliquer à demi-mots comment dans le secret du délibéré, ils avaient pensé à la victime pour finalement voter la mort et la donner délibérément.

Et j’y ajouterai enfin, Jean Ranucci, le père de Christian, par lequel l’accusation a trouvé l’étai idéal. Lire la Suite

10 La garde-à-vue, miroir du totalitarisme judiciaire français

Il sera bien temps de se plonger plus tard dans l’horreur du désastre judiciaire que constitue l’affaire Daniel MASSÉ, son instruction acharnée et obtuse, ses procès partiaux, la défense au mieux incompétente ou négligente, au pire éloignée des intérêts de son client.

Il suffit simplement de lire ce que Daniel MASSÉ énonce de sa seconde garde-à-vue :

« Ce n’était pas une garde-à-vue où l’on interrogeait, mais une garde-à-vue où l’on m’accusait. À mon épouse et à ma fille, ils prétendaient que j’avais reconnu les faits, tandis qu’ils me pressaient au même moment d’avouer car, à les entendre, ma fille et mon épouse m’incriminaient. Étant parfaitement étranger à ce que l’on me reprochait, cette manœuvre ne pouvait pourtant aboutir.

Ils avaient placé en évidence devant moi un dossier d’empreintes en affirmant qu’il contenait aussi les miennes. Et durant tout ce temps, j’étais menotté à un anneau scellé dans le mur.« 

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9 Le trouble et la précipitation

 

 

Il pourrait advenir que l’administration judiciaire usât d’un principe par essence totalitaire, le temps.

Les rédacteurs de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme l’ont bien entendu qui ont inscrit le principe contraire au cœur de l’article 6, celui du délai raisonnable. Encore que la qualité de raisonnable du délai pour obtenir du juge une décision puisse s’interpréter sans fin, il demeure qu’il est désormais nécessaire que le délai le fût au regard du degré de complexité des affaires, des enquêtes et des expertises.
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8 La façade impénétrable du procès

 

 

Une enquête devrait se construire patiemment, et reprendre patiemment les faits et les  témoignages pour qu’ils s’accolent harmonieusement les uns aux autres et que se forme la vérité la plus précise et la plus claire qu’il fût possible, que ne subsiste nul interstice entre chacune d’elles, selon même le point de vue où l’on se place.

Pour que Christian Ranucci fût condamné à la peine capitale, il fallait que les jurés aperçoivent pour modèle une sorte de pureté absolue, que toute part d’ombre se fût dissipée. Et sans doute ont-ils éprouvé cette sensation, le théâtre était de noir et de blanc, et rien ne pouvait y changer.

La vérité devait leur apparaître si simple, presque évidente. L’évidence passe par les aveux, parce qu’on imagine que c’est l’accusé lui-même qui les profère et qui s’accuse. On veut bien oublier que c’est l’officier de police judiciaire qui les dicte, qui choisit les mots.
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7 Et pense à moi souvent, toi qui va demeurer dans la beauté des choses…

 

En 1978, paraît le livre de Gilles Perrault, le Pull-over rouge et son retentissement est à la mesure de ce qu’il révèle. Tout à coup, n’importe quel citoyen peut pénétrer au cœur du mécanisme des procédures criminelles et apercevoir ce que recèle d’ordre sordide le système inquisitoire.

 

Christian Ranucci a été placé en garde-à-vue à 18 heures, il a passé des aveux à14 heures le lendemain. Il a été présenté à Madame Ilda Di Marino, juge d’instruction à 18 heures et a réitéré devant elle ses aveux, ayant accepté de ne pas être assisté d’un avocat. Il a été inculpé à 19 heures. Il est ré-entendu le lendemain dans la matinée – en violation du code de procédure pénale puisqu’il ne lui est pas demandé s’il souhaite la présence d’un avocat – par cette même juge d’instruction qui est particulièrement pressée, et n’a pu avoir un entretien avec un avocat qu’une fois toute cette machinerie enclenchée.

Une reconstitution a lieu 15 jours après et Christian Ranucci sera convoquée par la juge d’instruction encore trois fois en tout et pour tout, et pour la dernière, celle qui scelle son destin, ce sera sans la présence d’un avocat. Il verra une fois le remplaçant de Mme Di Marino, le juge Michel qui souhaitait tout reprendre mais en a été empêché par le parquet de Marseille. La lettre qui suivra demeurera ainsi sans réponse. Lire la Suite

6 Les formes autocratiques du libéralisme avancé

Le propre des erreurs judiciaires, c’est qu’elles engendrent un éternel recommencement. On paraît les oublier et puis elles reviennent à notre conscience, lancinantes, inapaisées. Le temps n’a plus cours, on se remémore encore Lesurques, tout comme Calas, sans évoquer même le capitaine Dreyfus injustement dégradé dans la cour des Invalides. Les siècles peuvent passer, ils demeurent près de nos pensées, et l’accusation portée à tort forme une plaie vive sempiternelle. Nul besoin de poésie ou de chants, ils sont parmi nous, tous ces morts, bien mieux vivants parmi les vivants.

Rien n’a plus changé de la société française depuis les coutumes du roi ultra ou du roi bourgeois et de ce qu’en explicitait Stendhal : cacher l’hypocrisie sous la vertu des principes et se fonder sur leur vertu jusqu’à ce qu’ils en succombent. C’est bien là la forme la plus aboutie du système conservateur, masquer le mensonge sous le rappel des vertus républicaines quand celles-ci ne sont plus respectées, feindre de les respecter pour mieux les contourner.

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5 Transparence de la télévision

Internet crée un temps mythique qui s’enroule sur lui même et réitère la réapparition des souvenirs autant de fois qu’on le souhaite, tout comme le phonographe le fait avec la musique.

La télévision fomente l’oubli par sa transparence même. L’émoi suscité par l’exécution n’avait duré que le temps de l’annoncer, il s’était estompé et s’il demeurait comme une onde invisible, c’était pour indiquer que tout désormais s’était métamorphosé, une illusion de modernisme s’était dissipée et Raymond Barre avait remplacé l’impétueux Chirac. Voici un premier ministre conservateur jusqu’au bout des ongles, parfois même son conservatisme de docte professeur est teinté d’un peu de réaction, juste ce qu’il faut, qui tente par tous les moyens de juguler l’inflation en démunissant l’État de sa TVA. Le procédé n’a pas de sens, tout le monde s’en doute, mais le cautère permet de maintenir sauve l’apparence de l’amputé. Lire la Suite

4 Pater dimite illis, nesciunt enim quid faciunt

28 juillet 1976

La mort de Christian Ranucci est un signe, elle forme un lien entre deux époques. Nous ne le savions pas.

Elle fut comme un coup de tonnerre parce que l’on pensait jusque-là que le président Giscard respecterait une sorte de paix tacite qui l’éloignerait de la barbarie. Nous nous étions fortement trompé. Il était entouré de personnages fuligineux, que l’absence de toute pitié semblait l’onction de leur puissance, Ponia comme on l’appelait, le ministre de l’intérieur et Lecanuet à la justice – enfin devrait-on dire plus précisément à la tête de l’administration judiciaire.

Déjà à cet instant fallait-il défendre à toute force l’ordre de l’argent et comme toute croissance venait de s’éteindre, qu’il n’était plus temps de faire miroiter au travailleur le mirage de l’expansion auquel il se faisait une joie et un devoir de participer, il ne pouvait se partager que ce que l’on aurait soutiré aux salariés à force de chômage et de pression sur les salaires, tandis que l’inflation rongeait les revenus. L’on entretiendrait en gage la peur, en invoquant la peine de mort comme un rituel nécessaire à l’oubli de sa condition : se donner pour image le pouvoir de Dieu de donner et de reprendre la vie. Lire la Suite

2 Une image trompeuse

Rien n’est plus étonnant que de constater comment agit sur soi le prisme déformant de la presse et du journalisme. L’institution judiciaire n’a pas son pareil pour bâtir un théâtre où se mêle l’artifice et la vérité au point qu’on finirait par les confondre. La presse a ce défaut qu’elle se laisserait attirer par la splendeur des artifices quand la vérité ne semble pas sur le moment présentable. Et plus l’artifice paraît, plus le tourbillon s’enroule autour.

Lorsque survient l’affaire Ranucci, Giscard fête encore en juin 1974 ses nouveaux habits de président et passe encore pour un libéral qui abaissera bientôt l’âge de voter de 21 à 18 ans, instituera le divorce par consentement mutuel, le droit pour les femmes de disposer de leur corps et le droit pour les parlementaires de l’opposition de saisir le conseil constitutionnel. Lire la Suite

1 Le souvenir de Christian Ranucci

 

 

Lorsque Christian Ranucci a été légalement assassiné, le 28 juillet 1976on dénomme cela une exécution – je me souviens que nous étions au beau milieu de l’été et je n’étais déjà plus un enfant. Sur la table de la cuisine, on avait posé le journal Libération qui titrait de lettres noires : Le crime de l’État. Je n’ai jamais relu l’article qu’il contenait et qui traitait de cette décapitation, et je me rappelle, mais peut-être est-ce une déformation du souvenir, Lire la Suite